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ÉDITORIAL
L’AMÉRIQUE LATINE À L’HEURE TRUMP
La récente élection à la tête de la première puissance militaro-industrielle de la planète d’un démagogue
réactionnaire est une très mauvaise nouvelle pour les peuples du monde, mais tout particulièrement
pour les latino-américain-ne-s.
Pourtant, le bilan des gouvernements Obama laisse déjà un goût amer : celui de la continuité des
relations impériales établies de longue date entre « l’Oncle Sam » et l’Amérique latine. Néanmoins,
après la défaite pour les intérêts nord-américains qu’a signifié le « non » - en 2005 - à la création d’une
Zone de libre-échange des Amériques (ALCA), il s’agissait pour Washington de tenter de reprendre
l’initiative. Ainsi, l’ère Obama -et particulièrement son second mandat- a été marquée par un début
d’une « normalisation » des relations avec Cuba, après 50 ans de blocus contre l’île et par le soutien au
processus de paix en Colombie initié entre les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) et le
gouvernement Santos. Le calcul de l’administration étasunienne est d’ailleurs bien compris : défendre
l’ouverture de nouveaux marchés et regagner du terrain en termes géostratégiques, tout en maintenant
un travail systématique de pression militaire, mais aussi économique et de « soft-power » contre tous les
pays considérés comme hostiles (à commencer par Cuba et le Venezuela).
Avec quelle profondeur cette stratégie sera-t-elle remaniée avec l’arrivée de Trump? Il est encore difficile
de le dire. Mais ce qui est sûr, c’est que Raúl Castro aura face à lui un adversaire qui a clamé à plusieurs
reprises son hostilité à « la dictature castriste ». En ce qui concerne la Colombie, les incertitudes dominent
également et il n’est pas anodin que l’ex-président va-t-en-guerre Uribe se soit félicité de l’élection
du candidat républicain. D’autre part, avec Trump, les mexicain-ne-s affrontent depuis des semaines
des déclarations odieuses sur l’extension d’un mur de la honte qu’ils devraient édifier à leur frontière
(et à leurs frais !). Enfin, certains analystes ont pu se féliciter de voir remis en cause par l’entrepreneur
multimillionnaire le projet de l’Accord de Partenariat Transpacifique (TPP) ou encore celui, existant
depuis 1994, de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA). Avec pour fol espoir que ces accords
néolibéraux soient remplacés par des relations bilatérales plus respectueuses. Il s’agit d’une illusion
dangereuse : le protectionnisme de Trump consiste à imposer des conditions encore plus léonines aux
peuples du sud, tout en procédant à une politique raciste systématique sur son territoire, notamment
en expulsant des millions de travailleurs latinos sans papiers.
Mais la riposte s’organise et les nombreuses manifestations, engagements d’intellectuels, résistances
syndicales montrent que la flamme de la solidarité n’est pas morte, au nord comme au sud du continent.
Alors que les droites sont de retour dans plusieurs pays sud-américains et que l’Europe est balayée par
les relents nauséabonds du repli xénophobe, la capacité du mouvement de la solidarité internationale
à affronter le monde qui vient, celui de « l’ère Trump », sera décisive pour la construction d’alternatives
par-delà les barbelés des frontières.
Et cette bataille est aussi une bataille des idées dans laquelle les médias aux ordres des puissants ont
une influence essentielle, face à laquelle les médias critiques et indépendants doivent poursuivre leur
travail de contre-pouvoir. D’où l’importance pour l’équipe de FAL MAG de vous proposer avec ce numéro
un dossier sur les médias en Amérique latine.
Bonne lecture !
Franck GAUDICHAUD
Co-Président de France Amérique Latine