Soutien aux luttes syndicales au Nicaragua

Le contexte

Située au nord de la capitale, Managua, la localité de Tipitapa abrite la Zone Franche « Las Mercedes », la plus grande du pays. Les nombreuses entreprises d’assemblage (maquiladoras), principalement textiles, qui y sont implantées (la majorité de capital coréen et taiwanais) produisent pour le marché étatsunien. Le statut d’entreprises de Zone franche garantit des avantages fiscaux par rapport aux entreprises nationales. Instauré depuis le début des années 1990, sous le mandat de la présidente Violeta Barrios de Chamorro (droite), ce régime préférentiel a été maintenu par le gouvernement sandiniste revenu au pouvoir en 2007, lequel l’a depuis étendu à d’autres secteurs de la production (tabac, extraction aurifère, exportation de viande…). Le principal argument avancé a été celui d’attirer l’investissement étranger et de maintenir (ou créer) des emplois.

Sous les effets de la crise financière de 2008, pour endiguer une augmentation galopante du chômage (23 000 emplois perdus) dans les maquiladoras de la Zone franche, quatre confédérations syndicales (la Central Sandinista de Trabajadores – CST-Nacional ; la Confederación Sindical de Trabajadores – CST-José Benito Escobar ; la Confederación de Unificacion Sindical – CUS et la Confederación de Unidad de Trabajadores – CUT) acceptent en 2009 d’entamer des négociations tripartites (gouvernement, syndicats, entreprises) qui déboucheront sur des accords par lesquels ils acceptent que les salaires soient fixés pour trois ans (et non renégociés chaque année) entre autres concessions (http://mitrab.gob.ni/bienvenido/documentos/acuerdos/Acuerdo-zonas-francas2012.pdf). En échange, les employeurs s’engagent à ne pas délocaliser ainsi qu’à alimenter un fonds pour la construction de maisons pour les travailleurs et le gouvernement à faciliter l’accès aux aliments de base (pour pallier le manque à gagner salarial). Cet accord baptisé « alliance, dialogue et consensus » sera inscrit en 2012 dans la Constitution du pays et cité en exemple par l’OIT.

Quelques années après, après avoir effectué un bilan, certains syndicats (en particulier la Confédération des Travailleurs de la Zone Franche affiliée à la CST nationale, majoritaire dans ce secteur) ont estimé que les conditions ayant présidé au sacrifice salarial n’avaient plus cours et que par ailleurs les engagements pris par les entreprises et le gouvernement n’avaient que très partiellement été respectés. Ils ont donc souhaité renégocier les conventions collectives. Pour pouvoir le faire, les syndicats doivent renouveler périodiquement la « certification » qui atteste de leur existence juridique légale auprès du Ministère du travail ; Or, celui-ci se montre peu disposé à donner son aval à certains syndicats, considérés trop remuants et trop revendicatifs. Des tensions sont donc apparues entre la CST-Nationale et le Ministère du travail (qui a bloqué la délivrance des fameuses certifications à plusieurs syndicats, dont ceux de la Zone franche et ceux du syndicat de l’entreprise publique de distribution d’eau – ENACAL). En avril 2016, la CST-Nationale dénonce une sentence de la Cour Suprême établissant que le Code du travail (c’est-à-dire le moins disant juridique) prévaut sur les Conventions collectives (qui donnent la possibilité de négocier des avantages spécifiques).

Les 12 de Tipitapa #Tipitapa12

Quelques semaines plus tard, un conflit éclate dans l’entreprise de zone franche, de capital coréen SAE TECNOTEX. Les travailleur/euse/s cessent le travail après avoir appris le licenciement de deux responsables syndicaux qui s’étaient fait le relais des revendications pour la mise à disposition d’eau potable (les travailleur/euse/s reprochaient à l’entreprise de leur fournir de l’eau contaminée) ainsi que pour le ralentissement des cadences de production inatteignables (les employé(e)s sont payés au rendement).

L’intervention, à la demande de l’entreprise, d’unités de la police anti-émeutes dans l’enceinte de la fabrique (https://www.youtube.com/watch?v=L9LG9GTv-Dk) provoquent de violentes échauffourées (https://www.youtube.com/watch?v=HhJPDS9hYM0&feature=youtu.be) qui se solderont par des dégâts matériels d’importance. A l’issue d’une répression brutale, 12 personnes sont interpellées et placées en détention préventive, avant d’être libérées 48 heures plus tard, face à la vague de protestation de l’ensemble des forces syndicales du pays.

Néanmoins, les accusations sont maintenues contre ceux qu’on désigne désormais comme les 12 de Tipitapa. Après l’entreprise, c’est l’Etat (soucieux de ne pas effaroucher les investisseurs) qui prend le relais pour exiger une sanction exemplaire contre les prévenu(e)s, qui en attendant leur jugement sont soumis à un contrôle judiciaire qui les empêche de se déplacer et, évidemment, de postuler à un nouvel emploi.

En décembre 2016, les 12 de Tipitapa ont été déclarés coupables (à divers degrés) et se sont vus signifier des peines de plusieurs mois à 1 an avec sursis (pour les plus lourdes). (http://www.laprensa.com.ni/2016/12/16/nacionales/2151551-juez-condenan-a-trabajadoresde-zona-franca) L’obligation qui subsiste de pointer continuellement auprès des autorités, reste un frein pour la recherche d’emploi et pénalise gravement les travailleur/euse/s.

Depuis la procédure d’appel déposée dès la sentence connue traine en longueur. Initialement prévue pour le 11 mai 2017, l’audience a été reportée au 26 mai 2017 puis au 7 juin 2017. Ces atermoiements continuels sont perçus par les 12 de Tipitapa et par ceux qui les soutiennent comme une volonté explicite de retarder la justice dans le but d’épuiser financièrement les travailleur/euse/s condamné(e)s.

Le soutien

Dès le premier moment, IndustriALL Global Union à laquelle est affiliée la Confédération des syndicats de la Zone franche -CST-ZF, a dirigé divers courriers aux autorités et initié une campagne de solidarité avec les 12 de Tipitapa.

(http://www.industriallunion.org/fr/nicaragua-criminalisation-dun-conflit-de-travail-avec-la-condamnation-destravailleurs-mecontents), (http://www.labourstart.org/fr/wordpress/halte-a-la-criminalisationde-la-protestation-ouvriere-au-nicaragua/) et (http://www.industriall-union.org/fr/industriallsolidaire-des-travailleurs-de-fesitex).

En prévision du jugement en appel, il est important d’étendre la mobilisation aussi bien pour se prononcer en faveur de la relaxe des travailleur/euse/s condamnés que pour exiger le respect du Droit du travail et la pleine liberté syndicale.

Messages du syndicat de la Zone franche (CST-ZF) à l’occasion du 1er mai : https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=279517382508364&id=100013503124772

Par ailleurs, les manifestations directes de solidarité seront vivement appréciées.

Facebook : cstzf Nicaragua

YouTube: CST/ZF – https://www.youtube.com/channel/UCz50_8oMNUf4wybZeyabSsg

Pour écrire aux autorités :

Ministère du travail : [email protected]

Les autorités de la Zone Franche : [email protected]

L’entreprise Sae Tecnotex : [email protected], [email protected], [email protected]