La révolution sera féministe ou ne sera pas ! Echos de l’Assemblée des femmes du FSM de Tunis

TUNISEcrit le 31 mars par Emilie Tamadaho Atchaca, Solange Koné, Christine Vanden Daelen. Publié sur le site du CADTM

En hommage aux femmes révolutionnaires du monde arabe, le FSM s’est ouvert ce 26 mars 2013 par l’Assemblée des femmes. L’amphithéâtre qui les accueillait n’avait pas assez d’espace pour contenir l’énergie de toutes ces femmes et hommes venant des quatre coins du monde. Plus de 3000 personnes y ont exprimé leurs revendications, mobilisations et enthousiasme. Des drapeaux, des pancartes, des foulards mais aussi de nombreux t-shirts emplis de couleurs laissaient présager de la multiplicité des luttes menées par toutes ces femmes réunies ce matin-là à Tunis.

Contre les inégalités, le non-respect de la dignité des femmes, les féminicides marqués par le sceau de l’impunité, le capitalisme et la dictature, les chants des femmes berbères nous ont toutes appelé-e-s à nous lever pour exiger l’égalité : principe non négociable !

Quelques porte-paroles de mouvements de femmes en Tunisie ont remercié les participant-e-s pour leur solidarité qui les renforce et les ressource. Face à une situation très complexe pour les femmes dans ce pays, ces militantes ont rappelé que les tunisiennes sont toujours en lutte, qu’elles sont mobilisées et seront un rempart effectif face aux contre-révolutions. Le mouvement des femmes en Tunisie se structure actuellement autour de la lutte contre la féminisation de la pauvreté, contre les déstructurations sociales résultant des politiques imposées par la BM et le FMI, elles refusent les violences faites aux femmes, véritable arme destinée à leur faire quitter l’espace public et politique et s’opposent aux nouvelles Constitutions qui ne prennent en considération ni leurs revendications, ni leurs réalités et encore moins leurs droits. En réponse à la globalisation des attaques, elles invitent les femmes à renforcer l’internationalisation de leur solidarité. Enfin, elles nous ont quitté en délivrant un message fort et courageux face à la montée des menaces sur les mouvements progressistes aujourd’hui en Tunisie : « Oui nous mourrons, mais nous n’aurons de cesse que lorsque nous aurons déraciné Ennahda |1| ! ».

Tandis qu’en Palestine les femmes subissent la double oppression du gouvernement d’Israël et de l’Islamisme, couplée à des violences multiformes, quotidiennes et l’obligation de porter le voile, en Égypte des femmes se sont publiquement coupé les cheveux sur la place Tahrir pour montrer leur opposition à la régression de leurs droits sociaux et politiques dans les nouvelles Constitutions, alors qu’elles étaient le cœur même de la révolution.
De la Tunisie à la Palestine, de la Libye à la Syrie, les femmes du monde arabe sont unies et exigent l’égalité, la démocratie et l’autonomie. Oui, elles luttent pour un autre monde mais pour un autre monde où elles auront enfin toute leur place !

À l’appel d’une militante sénégalaise pour la création de stratégies féministes communes afin d’obtenir l’autonomie financière ainsi que le statut de sujet politique à part entière, a succédé celui d’une femme polonaise qui, après avoir souligné combien les politiques du FMI menées dans son pays depuis les années 90 ont détruit tous les droits sociaux des femmes et les ont écartées de l’accès aux biens communs, a convié les participant-e-s à « ne pas accepter les réformes capitalistes et à être toujours plus solidaires dans leurs luttes ! ».

L’intensité des luttes des paysannes brésiliennes pour l’accès à la terre et à la souveraineté alimentaire, chaque jour plus menacé par les offensives des grandes entreprises de l’agro-business, fut répercutée par une militante de Via Campesina. Les prises de paroles se clôturèrent par le témoignage d’une féministe indignée espagnole : « Partout dans le monde, la réalité des femmes c’est bien le patriarcat ! L’austérité, menée au nom de la crise de la dette, vise et menace prioritairement les acquis sociaux des femmes, leur autonomie financière et leur contrôle sur leur propre corps. Cependant, partout les femmes se mobilisent. Elles ne restent nullement les bras croisés : elles développent en de multiples lieux des expériences et des réseaux d’économie sociale et solidaire ». Cette jeune militante espère bien que l’Assemblée des mouvements sociaux, en appelant à renforcer la solidarité internationale pour l’égalité, démontrera encore cette fois-ci que féminisme et altermondialisme participent au même combat.

Quelle meilleure conclusion donner à cette dynamique Assemblée des femmes en Tunisie que cette déclaration unanimement partagée : « La révolution sera féministe où ne sera pas ! »

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