Le gentil Obama et le coup d’Etat en marche au Brésil

“L’opération médiatico-judiciaire afin de destituer la présidente constitue un véritable coup d’Etat amerloc, « soft », « institutionnel », du dernier cri : la nouvelle stratégie « new look » des Etats-Unis.”

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Au moment même où il soufflait le chaud (ou plutôt le tiédas) à La Havane, où il tenait une conférence de presse d’ingérence « démocratique » et amicale, Obama la « colombe » prolongeait d’un an la validité du décret déclarant le Venezuela « comme une menace » et une « situation d’urgence » pour les faibles Etats-Unis (en espagnol « faible » se traduit « débil »). Les troupes chavistes s’apprêteraient à envahir le Texas pour le rendre au Mexique. Caramba !! Le « comandante en jefe » retraité, en vieux sage, après la visite « historique » parce que, entre autre, sans levée du blocus, a remis la colombe Obama à sa place. Fidel Castro a écrit un texte historique dans lequel il affirme que Cuba n’a besoin d’aucun cadeau des Etats-Unis et qu’elle a de la dignité à revendre. Carambar !!

Passés les quelques concessions, la reconnaissance officielle, et les effets de manche obamesques, le bon président s’active pour rétablir la démocratie de marché au Brésil, où la présidente Dilma Rousseff a été élue fort démocratiquement, même si les bases populaires « pétistes » lui ont flanqué un carton orange vif, qu’elle a confondu avec le vert, choisissant pour ministre de l’Economie un ultra libéral. Les gouvernements de Lula et de Dilma ont sorti de la pauvreté 25 millions de personnes, par un processus de redistribution qui n’avait pourtant rien de révolutionnaire.

Mais voilà : le géant pétrolier Petrobras, dans lequel l’Etat n’est plus majoritaire, aurait arrosé la plupart des forces politiques ; des surfacturations auraient servi à financer la campagne présidentielle, notamment celle du PT (Parti des Travailleurs, gauche et centre gauche).

Un petit juge d’instance, Sergio Moro, très hostile, avec derrière lui la droite, les élites blanches, les sociaux-démocrates, la plus grande partie de l’appareil judiciaire, les empires médiatiques, toute l’opposition (majoritaire au Congrès), en a profité pour lancer une opération « Lavo jeto », sorte de « mains propres »… Et les médias se déchaînent depuis contre une seule cible, la présidente, qui n’aurait rien à avoir avec le scandale énorme de corruption Petrobras, mais se serait livrée à une manipulation pour édulcorer les comptes de l’Etat, afin de servir sa campagne électorale.

L’opération médiatico-judiciaire afin de destituer la présidente constitue un véritable coup d’Etat amerloc, « soft », « institutionnel », du dernier cri : la nouvelle stratégie « new look » des Etats-Unis. Pour pouvoir gouverner, le PT (Parti des travailleurs) s’était allié contre-nature à un parti de droite, le PMDB (parti du Mouvement démocratique brésilien), qui aujourd’hui le lâche. Le parti social démocrate de l’ex-président Cardoso (qui gouverna à droite), s’acharne également sur la présidente en difficultés. L’homme fort de l’opposition, l’évangéliste Eduardo Cunha, président du Congrès, a oublié 5 millions de dollars en Suisse. L’enrichissement personnel lui va comme un gant. Dans la commission de destitution créée pour l’impeachment, sur 65 députés, 20 font l’objet d’enquête pour corruption. Mains sales, plus propres que propres. Dans les rues, la droite se déchaîne ; l’on voit même des banderoles réclamant l’intervention de l’armée… comme en 1964 (le 31 mars) lorsque l’armée et les classes dominantes renversèrent le président Joao Goulart accusé d’être l’ami des communistes, un dangereux « subversif », d’avoir trop redistribué au peuple. A éliminer donc. Le « golpe » de 1964, dit de « sécurité nationale », non constitutionnel cela va de soi, fut précédé d’une délirante campagne de presse, made in em-pire. L’ambassadeur US à Brasilia, Lincoln Gordon, admettra plus tard le financement par « l’empire » de tous les partis et institutions de droitedroite. La parenthèse dictature suivie de « dictamolles » durera jusqu’à l’élection du métallo Lula (un ouvrier président ! Erreur de casting), en 2002.

Lula, fort de son bilan social et de sa politique extérieure d’intégration continentale, de soutien à Chavez, populaire parmi les classes défavorisées, a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle. Depuis, il est devenu l’homme à abattre. Dilma en a fait une sorte de premier ministre… 200 policiers l’on arrêté, sans preuve, mais à grand spectacle, afin que la justice puisse l’entendre, cette même justice qui a mis la présidente sur écoutes téléphoniques illégales… Derrière la main du petit juge, « la seule main étrangère impliquée est celle des Etats-Unis » comme le reconnut un rapport de Washington (archives du Congrès) après le putsch de 1964.

Minoritaire, démoralisé, divisé, lâché par le PMDB, le PT aura du mal à se ressaisir, à empêcher l’opposition d’obtenir le vote des deux tiers des députés (342) pour prononcer l’impeachment de la présidente.

Le vice-président de droite PMDB, Michel Temer, en embuscade, un sacré politicard, espère précipiter la destitution de Dilma pour devenir président de droitedroite, alors que le peuple a élu une présidente de gauche. Cela s’appelle « la démocratie », « la liberté », « les élections libres », « le droit des peuples », les « droits de l’homme », dans la novlangue capitaliste dite néo-libérale.

 

Source :

Jean Ortiz

Chroniques Latines – L’humanité, 01 avril 2016