Nicaragua: le père Fernando Cardenal, proche de la théologie de la libération et du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), est mort samedi 20 février.

Le poète Ernesto Cardenal face au cercueil de son frère
Ernesto Cardenal face au cercueil de son frère

Proche de la théologie de la libération et du Front sandiniste de libération nationale (FSLN), le P. Fernando Cardenal avait accepté en 1984 d’être ministre de l’éducation dans le gouvernement de Daniel Ortega, ce qui lui avait valu d’être suspendu de son ministère sacerdotal par Jean-Paul II.

« Le P. Cardenal nous a quittés ce matin à l’aube, à la suite de complications cardiaques après s’être soumis à une opération chirurgicale en vue de réduire une hernie ombilicale », peut-on lire dans le communiqué publié samedi 20 février par Silvio Gutiérrez, directeur international du mouvement d’éducation populaire « Fe y Alegría » (Foi et joie) dont Fernando-Cardenal-avril-2009_0_730_547Fernando Cardenal avait été un artisan ardent au Nicaragua.

Il avait été à l’initiative de la vaste campagne d’alphabétisation lancée en 1980 par la révolution sandiniste, qui avait permis de réduire l’analphabétisme de près de 40 % en dix ans. En 1980, le P. Cardenal avait coordonné « 95 582 étudiants, instituteurs et professionnels de l’éducation », rappelle ce communiqué en précisant qu’une telle réussite avait mérité à ce petit pays d’Amérique centrale une reconnaissance de l’Unesco en 1981.

Ministre de l’éducation pendant six ans

Né le 26 janvier 1934 dans une famille aisée de Granada (Nicaragua), le jésuite Fernando Cardenal Martinez était proche de la théologie de la libération et s’était joint – ainsi que son frère Ernesto – aux rebelles du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Après que ceux-ci avaient renversé le dictateur Anastasio Somoza en 1979, il avait pris la tête de cette campagne d’alphabétisation, puis avait été nommé ministre de l’éducation (1984-1990) au sein du premier gouvernement sandiniste de Daniel Ortega. Le P. Cardenal fut ensuite vice-coordinateur de la jeunesse sandiniste, puis responsable des Comités de défense sandiniste (CDS). En acceptant cette responsabilité politique, il savait qu’il contrevenait aux règles de la vie religieuse et ecclésiale qui interdisent tout engagement politique direct.

« Vivre ma fidélité à l’Église »

« Je considère sincèrement devant Dieu que je commettrais un grave péché si j’abandonnais mon poste », avait-il expliqué en 1984, considérant qu’« il est possible de vivre ma fidélité à l’Église comme jésuite et comme prêtre en me dédiant au service des pauvres du Nicaragua au sein de la Révolution populaire sandiniste. Cependant on me défend de conjuguer les deux grands amours de ma vie. »

Après avoir refusé de démissionner de son poste au gouvernement, il avait été suspendu de son ministère sacerdotal par le pape Jean-Paul II. Il fut contraint également de quitter la Compagnie de Jésus, avec laquelle cependant il resta en bons termes.

Il réintègre la Compagnie en 1996

En 1990, le P. Cardenal laissera son poste et rompra d’avec le Front sandiniste, expliquant que l’organisation s’était éloignée des principes de la révolution. Sept ans plus tard, il faisait part de sa décision de réintégrer la Compagnie : il fut réadmis en 1996 après un temps de nouvelle probation. Il devint alors, et jusqu’en 2011, directeur national du mouvement éducatif « Fe y Alegría »

« Fernando a laissé un bel héritage : il était une voix prophétique pour la jeunesse nicaraguayenne qui, par manque d’emploi et d’opportunités, émigrent vers d’autres pays », a déclaré Dora Marie Téllez, ex-guerrillera et ancienne ministre de la santé dans les années 1980. « Nous avons perdu le général de la plus belle bataille de notre pays : la bataille contre l’ignorance », a regretté de son côté la poètesse nicaraguayenne Gioconda Belli.

Claire Lesegretain
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