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Accord de paix en Colombie : le gouvernement sape le travail de mémoire (Anne Proenza/ Libération)

Le président Duque lors de la pose de la première pierre du Musée national de la mémoire, le 5 février à Bogotá. Photo J. D. Moreno Gallego. Anadolu

Le Centre national de mémoire, situé à Bogotá, pâtit de l’idéologie du parti au pouvoir, qui a presque toujours réfuté l’existence d’un conflit armé avec les Farc, considérés comme de simples «terroristes».

Créé en 2011, le Centre national de mémoire historique colombien (CNMH) vient de se faire exclure de la Coalition internationale des sites de conscience (qui rassemble plus de 200 musées et mémoriaux dans plus de 60 pays). Et des pétitions circulent pour demander la démission de Dario Acevedo, son nouveau directeur désigné par le président Duque il y a près d’un an. Cet historien, que ses détracteurs taxent de «négationniste», est au cœur d’une polémique qui n’en finit pas de grossir en Colombie, symptôme de la difficulté du pays à sortir véritablement de la guerre. Et à entrer de plain-pied dans la période de réparation et de réconciliation que promettait l’accord de paix signé en 2016 par le gouvernement du Prix Nobel de la paix, Juan Manuel Santos, avec l’ancienne guérilla des Farc.

«Nous sommes face à une guerre de narrations sur le sens du passé et l’écriture du futur», s’exclame Gonzalo Sánchez Gómez, ancien directeur du CNMH, avocat et philosophe réputé à qui l’on doit la publication du dossier «Basta Ya» en 2013, documentant plus de cinquante ans d’un conflit ayant fait plus de 8 millions de victimes, 7,5 millions de déplacés, 260 000 morts et au moins 82 000 disparus.

«Terroristes»

«La bataille de la mémoire ne fait que commencer», souligne Ricardo Peñaranda, de l’Institut d’études politiques et de relations internationales de l’Université nationale, qui a participé aux investigations du CNMH. Car une grande partie de la droite dure, notamment le parti de l’ancien président Alvaro Uribe (2002-2010), qui a porté au pouvoir Iván Duque en 2018, a presque toujours réfuté ouvertement l’existence d’un conflit armé en Colombie, considérant qu’il ne s’agissait que d’une lutte de l’Etat contre des «terroristes». Les mêmes se sont opposés en usant tous les recours possibles à l’accord de paix de 2016.

Et si Iván Duque a assuré lors de son élection qu’il ne «réduirait pas l’accord en miettes», force est de constater que tout est fait à la fois pour diluer les obligations de l’Etat en la matière et pour saboter ce qu’il est possible de saboter. Le gouvernement a ainsi tenté – sans succès – d’affaiblir la Juridiction spéciale pour la paix et a réussi à diminuer de près de 30 % le budget de la Commission de la vérité et de l’Unité de recherche des personnes disparues. Ces trois institutions forment les piliers du «système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition» de l’accord de paix. (…)

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