L’Amérique latine et la Caraïbe sont confrontées à une grave crise de la dette (Eric Toussaint, Milan Rivié / CADTM)

(…) Entre 2000 et 2019, la dette extérieure publique de la région a été multipliée par 2,43. Au cours de la même période, le transfert net est positif (+33,53 milliards $US). Entre 2000 et 2008 le transfert net est négatif, -188,62 milliards $US. Ce montant représente 4,5 % du PIB des PED de la région en 2008. Les crises financières au Nord et l’afflux de capitaux vers les pays du Sud expliquent en grande partie le transfert net positif pour les années suivantes.

Symbole des difficultés économiques rencontrées par ces pays, alors que le PIB a doublé entre 2000 et 2008 (de 2 085 à 4 203 milliards $US), il n’a augmenté que de 20 % entre 2008 et 2019 (5 149 milliards $US).

Autre symbole, le nombre de pays ayant eu recours au FMI au cours de cette période: 22, soit, à l’exception de Cuba (pays non-membre du FMI) du Guatemala et du Venezuela, la totalité des PED de la région. En 20 ans, ces pays ont emprunté 135 milliards $US au FMI, et en ont déjà remboursé 105 milliards, dont 12 % uniquement en charges et intérêts.

Parmi les pays les plus frappés par l’intervention du FMI et ses politiques d’austérité, notons l’Argentine, l’Équateur, Haïti ou encore le Suriname.

L’évolution de la dette extérieure publique des PED de la région par catégorie de créanciers représente fidèlement celui de l’ensemble des PED, à savoir une faible part bilatérale et multilatérale, et une forte augmentation de la part due à différents types de créanciers privés, en particulier de la part correspondant à des titres souverains vendus sur les marchés financiers, presque exclusivement à Wall Street, à compter de 2008. A l’exception d’Haïti, pays à faible revenu, l’ensemble des autres pays ont la possibilité d’emprunter sur les marchés financiers.

Si la région n’est pas la plus dépendante aux matières premières, 17 pays restent néanmoins fortement exposés à la fluctuation de leurs prix et des revenus d’exportation qu’ils en tirent. Cela concerne autant les exportations de produits agricoles (Argentine, Belize, Brésil, Équateur, Guatemala, Paraguay, Uruguay), de combustibles fossiles (Bolivie, Colombie, Équateur, Mexique, Sainte-Lucie, Trinidad et Tobago, Venezuela) que de minerais (Chili, Guyane, Jamaïque, Suriname).

Sur la période courant du 1er mars 2020 au 1er janvier 2021, les pays de la région ont été également largement sujets à une dépréciation de leurs monnaies face au dollar étasunien et à l’euro, principales devises d’échange. Face au dollar, seuls 4 pays ont vu leur monnaie s’apprécier (Bolivie, Chili, Colombie, Honduras), dans un intervalle compris entre + 0,37 % et + 14,88 %. A l’inverse, pour la grande majorité des pays, leur monnaie s’est dépréciée, dans un intervalle compris entre -1,97 % (Nicaragua) à -92,90 % (Venezuela). Les trois « locomotives » économiques de la région, l’Argentine, le Mexique et le Brésil, accusent quant à elles respectivement une perte de 26,05 points, de 0,94 point et de 13,65 points. Face à l’euro, à l’exception du Chili (+2,77 %), toutes les monnaies de la région se sont dépréciées.

En l’espace de vingt ans, le service de la dette de la région a littéralement explosé, passant du simple (72,86 milliards $US) au double (143,74 milliards $US). En 2019, 43 % de ces PED consacraient davantage de ressources au service de la dette qu’en dépenses de santé (Argentine, Belize, Dominique, Équateur, Grenade, Haïti, Jamaïque, Salvador, Saint-Vincent et les Grenadines). Le service de la dette de ces 10 pays absorbait entre 6,7 et 38 % des revenus de l’État.

Conclusion

Les dettes publiques ont fortement augmenté en Amérique latine et dans la Caraïbe. La crise économique mondiale rend de plus difficile la poursuite normale du remboursement de la dette. Alors que le continent est terriblement touché par la pandémie du coronavirus avec plus de 235 000 décès au Brésil, plus de 170 000 au Mexique, plus de 56 000 en Colombie, plus de 50 000 en Argentine, plus de 41 000 au Pérou, il est plus que jamais justifié de suspendre le paiement de la dette. C’est une condition sine qua non à réunir pour réorienter les dépenses publiques et combattre les effets de la pandémie, les conséquences de la crise économique et pour lutter contre la crise climatique. (…)

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