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Amérique latine : quelles perspectives en 2019/ Le point de vue de Christophe Ventura (IRIS)

L’Amérique latine a été marquée cette fin d’année 2018 par les élections de Jair Bolsonaro au Brésil et d’Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) au Mexique. Or, les cycles électoraux ne sont pas terminés et les dynamiques politiques, aussi bien nationales (Venezuela, Brésil, Mexique, Bolivie…) que supranationales (Mercosur, Groupe de Lima, Alliance Pacifique…) seront à observer afin de comprendre les tendances et directions de la région. Par ailleurs, le jeu des États-Unis, de la Chine et de l’Union européenne tant politique, que stratégique, économique et commercial, risquent d’influer sur cette zone du monde.

Le point de vue de Christophe Ventura, directeur de recherche (Institut de Relations Internationales et Stratégiques)

Des prévisions économiques à la baisse

L’année 2019 en Amérique latine sera particulièrement intense pour plusieurs raisons. Il faut tout d’abord s’intéresser au contexte économique général dans lequel la région se trouve. Celui-ci demeure durablement fragile et incertain. En effet, toutes les prévisions des institutions internationales, que ce soit la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes des Nations unies (CEPAL) ont révisé à la baisse leurs prévisions pour l’ensemble de la région, et plus spécifiquement pour les pays d’Amérique du Sud.

Ainsi, un dernier rapport de la Banque mondiale estime que la croissance latino-américaine pour l’année 2019 sera en moyenne de +1,7% (au lieu 2,9% initialement prévu ; 0,6 % en 2018). Dans ce schéma, l’Amérique centrale et le Mexique seront sensiblement au-dessus. C’est donc l’Amérique du Sud qui va le plus être impactée par cette révision à la baisse des pronostics économiques dans la région. Par ailleurs, plusieurs pays seront en récession en 2019. Il y aura le Venezuela dont la Banque mondiale estime la contraction de l’activité économique à venir à -8% (après -18% en 2018). Mais il y aura également l’Argentine où elle atteindra – 1,7% (après – 2,8% en 2018). Cette situation – qui signifie une forte dégradation de la situation sociale pour une majorité de gens dans le pays – pèsera dans l’élection présidentielle prévue en octobre 2019. D’autres pays importants du Cône Sud seront également en année électorale, comme la Bolivie qui présente l’une des seules conjonctures économiques stable et même positive, avec une croissance qui va émarger autour de +4%, +4.3%. Le Brésil, quant à lui, devrait connaître une hausse de sa croissance (+2,2 % contre 1,2 % en 2018).

On est donc dans une région où les perspectives économiques sont tendanciellement, et à de rares exceptions près, revues à la baisse, le tout dans un contexte mondial très incertain, puisque marqué par les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine qui sont les deux principaux partenaires commerciaux de l’Amérique latine. Ces tensions commerciales interviennent de surcroît dans une phase de ralentissement structurel du commerce et des échanges internationaux, de volatilité accrue des marchés financiers, de baisse des investissements et d’augmentation constante de l’endettement des États et des entreprises au niveau mondial. Ces divers facteurs internes et externes nourriront la fragilité des économies latino-américaines. En effet, leur modèle de développement dépend largement de l’actualité des marchés financiers mondiaux, puisque les économies latino-américaines et surtout sud-américaines exploitent et exportent majoritairement vers les marchés internationaux des ressources naturelles, des matières premières et des matières agricoles. Les pays latino-américains se rendent très dépendants de la demande et des cours de ces marchés, mais aussi des capitaux internationaux et des technologies des grandes puissances dont ils ne disposent pas tous.

Des élections déterminantes en 2019

Dans ce contexte général, des événements politiques et géopolitiques seront à observer en 2019. Sur le plan politique, la région va poursuivre et finaliser son « super cycle électoral » qui a démarré en 2018. Cette année, des élections déterminantes se tiendront au Panama, au Guatemala et à El Salvador au premier semestre 2019, en Argentine, en Bolivie et en Uruguay pour ce qui est du deuxième semestre 2019. Ces élections seront clés, car susceptibles de modifier les majorités au pouvoir dans un contexte où l’Amérique latine fait face à un puissant vent de « dégagisme » politique qui affecte tous les gouvernements sortants, quelle que soit leur affinité idéologique et au cœur duquel se trouvent les « classes moyennes » latino-américaines frappées par les conséquences sociales de la crise économique (coup d’arrêt à leur ascension et à leur mobilité sociales, menace de déclassement, de retour à la pauvreté ou la vulnérabilité).

Il faudra par ailleurs suivre l’évolution des relations qui vont se développer entre le Brésil et le Mexique, les deux principales puissances latino-américaines. Ces pays ont désormais à leur tête deux gouvernements offrant des visages aussi nouveaux que différents :  le gouvernement de Jair Bolsonaro au Brésil (jusqu’en 2022) et celui de Andres Manuel López Obrador (AMLO), élu lui pour six ans jusqu’en 2024. Le premier offre un profil « libéral-autoritaire » et plutôt aligné sur les États-Unis en matière de politique étrangère, le second un profil de centre-gauche et de restauration d’une souveraineté nationale plus marquée. Ce sont deux pays aux poids déterminants et primordiaux des points de vue politique, économique et géopolitique en Amérique latine. (…)

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