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Au Mexique, les familles des disparus restent mobilisées

Le 24 septembre 2014, 43 étudiants mexicains de l’école d’Ayotzinapa disparaissaient à Iguala.  Les cartels mexicains tout comme la police sont les premiers incriminés. Les jours suivants, des manifestations démarrent à travers tout le Mexique dénonçant le crime organisé, les liens entre les cartels et le gouvernement, ou encore la corruption. Si l’affaire finit par prendre une ampleur internationale, à ce jour le mystère reste entier.

C’est depuis la guerre contre le crime organisé amorcée par l’ancien président Felipe Calderon en 2006 que les disparitions forcées de ce type ont commencé. Daniel Cantú Iris a disparu en 2007. Il est le fils de Diana Iris Garcia, membre du collectif FUUNDEC (Fuerzas Unidas por Nuestros Desaparacidos en Coahuila) où plusieurs familles de disparus se réunissent pour trouver des réponses. Diana Iris Garcia a accepté de répondre aux questions d’Altermondes.

Combien de personnes sont portées disparues à ce jour ?

Diana Iris Garcia : En décembre 2015, le ministère de l’Intérieur mexicain a recensé 27 659 personnes disparues. Dans l’Etat de Coahuila, 1600 personnes sont officiellement recherchées : notre collectif suit le cas de 459 d’entre elles, mais nous pensons qu’il s’agit d’un « chiffre noir » de la criminalité et qu’il y en a plus.

Quelles sont les réponses de l’Etat mexicain face à une telle crise?

D. I. G : En général, il n’y a ni réponse ni attention, ni reconnaissance de cette affaire comme une tragédie humanitaire. À Coahuila, il y a un peu plus d’attention face aux demandes, mais ça n’est pas suffisant.

Nous pensons qu’il n’y a pas toutes les conditions dans le pays pour réaliser la recherche de disparus, c’est pourquoi nous essayons de rendre ce problème visible et d’atteindre la communauté internationale. Nous avons besoin qu’il soit demandé au Mexique « Qu’avez-vous fait au sujet de vos disparus ? »

C’est ce manque de réponse qui a suscité la création de collectifs comme FUUNDEC ?

D. I. G : En 2009, les disparitions se sont faites plus récurrentes dans le nord du pays. Plusieurs familles se sont contactées pour réfléchir, pour savoir ce qui s’était passé. En décembre de cette année-là, avec le soutien du Centre des Droits de l’Homme Fray Juan Delarios, nous avons pu nous réunir au diocèse de Saltillo et créer le collectif. Il fallait réfléchir ensemble afin de démarrer la demande de recherche de tous les disparus. En 2009 nous en recherchions 21. Au fil des ans, ce chiffre a  augmenté jusqu’à atteindre 459 disparus.

Quel est le sentiment du peuple mexicain face à tout cela ?

D. I. G : Dans la société mexicaine, il y a une grande ignorance du problème dans toute ses dimensions. Certes, en 2014, le cas de 43 étudiants de Ayotzinapa a permis de rendre cette tragédie visible à un niveau international. Il reste à prendre conscience qu’il ne s’agit pas seulement de la disparition de 43 jeunes, mais de milliers de plus.

Et votre sentiment personnel, en tant que citoyenne mexicaine, en tant que mère ?

D. I. G : Mon sentiment à moi, c’est l’espoir, l’indignation et la rage car, à ce jour, aucune enquête ou recherche adéquate n’a été faite. L’Etat mexicain fait semblant de nous aider et ne donne pas à cette tragédie l’importance qu’elle devrait avoir, gageant sur la fatigue et l’abandon des demandes et exigences des familles. Voilà mes sentiments.

Vous étiez récemment en France au nom du FUUNDEC. Avec quel objectif ?

D. I. G : Les Brigades Internationales de la Paix nous ont donné la possibilité de nous joindre à elles dans le cadre d’une mission aux Pays-Bas et en France. L’objectif était de mettre en lumière cette problématique et demander à la solidarité de la communauté internationale afin qu’elle tourne ses yeux vers le Mexique et réalise que des milliers de personnes ne sont toujours pas retrouvées et retournées dans leurs familles.

Dans les mois à venir, le gouvernement mexicain va légiférer sur une Loi générale de disparition, incluant les disparitions forcées comme celle de Daniel. Un mouvement s’est structuré autour de cette loi comptant 80 organisations, de familles comme de sociétés civiles.

Cette loi sonne comme un nouvel espoir pour les familles des disparus : elles comptent bien faire parvenir leurs propositions sur ce qu’elles estiment être les points fondamentaux afin de pouvoir retrouver leurs proches et obtenir justice.

Crédits photo de Une : ProtoplasmaKid

 

Source :

Sarah Da Vega

Altermondes, 23 mars 2016