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Ayotzinapa. Cinq ans de trop! (Traba , Patxi Beltzaiz/ De l’autre coté du charco)

26 septembre 2019. Cinq ans déjà. Cinq ans que les 43 étudiants d’Ayotzinapa manquent à l’appel (1). Une date qui revient chaque année un peu plus cruellement. Une date qui ronge inexorablement l’espoir, qui rend l’absence chaque jour un peu plus insupportable. Et le silence un peu plus mordant. Quasi insupportable au milieu de toutes ces questions sans réponses. Pourtant la détermination des parents reste intacte. Et chaque 26 du mois, ils répondent présents pour affirmer leur quête de vérité.

Mexico (26 septembre 2019) Photo Patxi Beltaiz.

Pour rappel, le 26 septembre 2014, à Iguala (2), un groupe d’environ 80 étudiants, âgés entre 18 et 25 ans, de l’école rurale normale d’Ayotzinapa organise une collecte afin de récolter des fonds pour pouvoir participer à la commémoration du massacre du 2 octobre 1968, prévue à la ville de Mexico. Par la suite, ils réquisitionnent plusieurs bus qui serviront à aller à la capitale. En repartant vers l’école rurale, ils seront encerclés par la police municipale. Une fusillade va éclater. La confusion est à son comble. La tragique nuit d’Iguala vient d’entrer dans l’Histoire (3).

Cette année-là, le Mexique se soulève, manifeste en masse. Tout le pays crie et réclame ses fils « Vivos se los llevaron, vivos los queremos ». Le peuple ne veut plus se taire. Les mots « Crimen de Estado » s’étalent sur tous les murs du pays. Le président de l’époque, Enrique Peña Nieto, fait la sourde oreille et va accréditer la thèse des narco-trafiquants pour ne pas avoir à répondre des agissement de l’armée qui était sur place. En novembre 2014, le procureur de la PGR, Jésus Murillo Karam, annonce la mort des 43 étudiants. Selon les témoignages de trois sicaires des Guerreros Unidos, ils auraient été conduits à l’écart de la ville dans une déchetterie. Ils auraient été jetés dans un camion, certains seraient morts asphyxiés. Les survivants auraient été tués, probablement par armes à feu. Par la suite, les corps auraient été brûlés, les os brisés, réduits en cendres puis déposés dans des sacs en plastique noirs. Plus d’un mois après les faits, seuls deux sacs seront retrouvés par les enquêteurs. Le procureur annonce alors l’identification ADN d’un bout de fémur et d’une molaire appartenant à Alexander Mora Venancio, un des 43 disparus. Ces faits seront alors dénommés « Vérité historique » par la PGR qui ne voudra jamais revenir dessus. Elle sera comme figée dans le marbre. Les investigations tournent à la véritable mascarade. Sur un total de 142 personnes accusées d’enlèvement, 77 seront libérées pour vice de procédure et parmi eux 24 policiers municipaux. A ce jour, 65 personnes sont toujours emprisonnées (La jornada17/09/19).

L’arrivée du nouveau président, Andrès Manuel Lopez Obrador (AMLO), qui est entré en fonction le 1er décembre 2018, représente un véritable espoir de changement pour les parents. D’autant plus, que ce président est porteur d’une aura progressiste. D’ailleurs, AMLO déclare haut est fort que l’affaire d’Ayotzinapa est une priorité pour son gouvernement. Il crée aussitôt une commission d’enquête pour la vérité et l’accès à la justice. Puis il nomme Alejandro Encinas, Procureur spécial chargé des enquêtes et des litiges dans l’affaire Ayotzinapa.

Autant,  Enrique Peña Nieto se montrait peu réceptif à la douleur des parents jusqu’à en être arrogant, AMLO sait se faire plus accessible. Pour exemple, le 11 septembre 2019 il organise une réunion extraordinaire avec les parents et n’hésite pas à poser avec eux sur le monumental escalier du Palais National, entouré des portraits des 43 étudiants disparus. AMLO présente un discours rempli de compassion où s’ajoute un soupçon de démagogie comme lors de la conférence de presse du cinquième anniversaire. Là, il apparaît sur scène avec un t-shirt où s’étale en gros « Ayotzinapa, Yo mando la Verdad». Certes, un t-shirt offert par les parents mais tout cela fleure bon la communication bien rodée et certaines mauvaises langues parlent même de politique spectacle. Une stratégie de séduction qui peut aussi s’apparenter à de nouvelles manœuvres pour détourner le regard des véritables responsables à savoir le gouvernement mexicain lui-même. Il est bon de rappeler qu’AMLO représente l’oligarchie qui l’a portée au pouvoir. Et de ce fait, l’armée reste intouchable. Mais peut-être que la transformation de la PGR chargée de l’enquête en FGR est un aveux des nombreuses irrégularités qui ont émaillé le dossier de la disparition forcée des 43 étudiants. Les présidents changent, les institutions se transforment mais finalement le fond reste le même (…)

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