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Cinéma latino-américain: mythes et réalités en Colombie

Deux films que nous avions présentés dans notre numéro de FAL Mag de septembre 2018 sont actuellement à l’affiche. À ne pas manquer. Voici des extraits de l’article publié dans notre revue et des liens pour en savoir plus.

Los Silencios : les mythes latino-américains au cœur des déplacements forcés en Colombie

Ce deuxième film de fiction de la jeune réalisatrice brésilienne Beatriz Seigner est une peinture presque documentaire des conséquences douloureuses du conflit colombien, entremêlée d’épisodes mystérieux dans la lignée directe du réalisme magique. Le public partage la vie d’une famille de migrants, fuyant les menaces des paramilitaires qui continuent à déchirer le pays malgré la signature des accord de paix, pour s’installer dans un village au cœur de l’Amazonie, sur l’île – bien réelle – de la Fantasía, entre Leticia et Puerto Nariño, à la frontière avec le Brésil et le Pérou. Dans cet espace à la fois clos et infini, l’observation sociale convoque sans cesse le fantastique, et l’univers des morts se confond avec celui des vivants. La vie quotidienne, la préparation des repas et les interminables démarches d’une mère Courage qui s’efforce inlassablement d’inscrire son fils à l’école, de trouver du travail, d’obtenir des indemnités, de préparer l’exil au Brésil… s’inscrivent dans un espace hanté où les défunts aimés sont présents. Ce film bouleversant, d’une très grande qualité esthétique, fait le choix de ne montrer la violence que par le biais du souvenir des personnages et donne toute sa place à la tendresse humaine qui l’emporte sur la cruauté du contexte.

Los Silencios ménage des surprises inattendues au spectateur qui perd ses repères dans cet espace insulaire où les frontières avec le monde des fantômes s’effacent. Jusqu’à une scène finale déchirante, d’une beauté qui émeut aux larmes, où les pièces de ce puzzle réel-merveilleux s’assemblent.

Lire la critique de Los Silencios sur le site de Citazine

Lire la critique de Los Silencios sur le site de Espaces Latinos

Pájaros de Verano (Oiseaux de passage): entre thriller et tragédie grecque chez les Indiens Wayuu de la Guajira colombienne

En 2015, Cristina Gallego et Ciro Guerra avaient déjà enthousiasmé le public de la quinzaine des Réalisateurs avec L’étreinte du serpent, film récompensé dans de nombreux festivals. Cette année, les réalisateurs mettent à nouveau l’accent sur la confrontation entre tradition et modernité au sein de communautés indigènes, mais cette fois, ils abandonnent la luxuriante forêt amazonienne et ses mystères chamaniques, pour le désert de la Guajira, au nord de la Colombie. Le film aborde le thème si contemporain du narcotrafic, en l’inscrivant dans les coutumes et la culture Wayuu. En effet,  une famille indigène, comprenant qu’il peut se révéler très rentable de planter et de vendre de la marijuana, participe peu à peu à la naissance des cartels de la drogue, dans les années 1970, et prend inexorablement un pouvoir démesuré qui compromet la paix de la région. Oiseaux de passage commence comme une fable dont l’ambiance et les personnages – sévères ou truculents – ne sont pas sans rappeler L’incroyable et triste histoire de la candide Eréndira et de sa grand-mère diabolique, le roman de Gabriel García Márquez, lui aussi situé dans ces contrées étranges et hostiles: les premières scènes, à forte dimension ethnographique, décrivent les efforts déployés par un jeune indien peu fortuné pour rassembler le bétail et les bijoux exigés en dot par la famille de l’élue de son cœur. Pour arriver à ses fins, il s’associe à son meilleur ami et se lance dans le trafic de marijuana auprès de touristes – et agents de la CIA- étasuniens : les premiers convois se font à dos d’âne, mais le commerce produira vite des bénéfices juteux, transformant les modestes familles de paysans en clans qui finiront par se dresser l’un contre l’autre pour dominer ce qui deviendra un véritable empire, et établissant les bases de l’organisation des narcotrafiquants latino-américains d’aujourd’hui. Cette saga, structurée en cinq actes s’étalant sur dix ans,  prend des airs de tragédie grecque tout en ravivant chez le spectateur le souvenir d’innombrables films de gangsters inscrits dans sa mémoire cinéphile : liens familiaux, amours interdites, trahisons, défense de l’honneur, enrichissement rapide, engrenage de la violence, règlements de compte, vengeance, frénésie meurtrière : tous les ingrédients des œuvres de Coppola ou Scorsese sont là, mêlés d’une peinture très réaliste de cette société matriarcale, qui continue à parler la langue native, à entretenir des relations familiales fusionnelles et à vivre au cœur du désert. Doté d’un grand sens esthétique, Pájaros de Verano  exploite avec brio la majesté des paysages et la beauté des visages, offre au public des plans virtuoses et utilise avec  justesse un casting où se côtoient des habitants de cette région méconnue et des acteurs professionnels. Ce « Scarface » guajiro, qui allie suspense et souci anthropologique, est  une belle réussite.

Lire la critique de Oiseaux de passage sur le site de Espaces Latinos

Lire la critique de Oiseaux de passage sur le site du Monde

Voir l’article Cinéma latino-américain: l’humanité malgré la violence, de Cathy Ferré, page 30 du Fal Mag 138 de septembre 2018.

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