🇦🇷 Cinquantenaire du Plan Condor : le cas de l’Argentine (Camilo Morales / FAL)
À l’occasion des cinquante ans du Plan Condor, France Amérique Latine fait, dans cet article, une rétrospective de l’histoire d’un pays politiquement particulier, l’Argentine.

En effet, ce pays a une configuration politique particulière, à savoir que le XXe siècle est dominé par un courant singulier qu’est le péronisme. Ce mouvement est créé en 1945 par Juan Domingo Perón, par l’institution du Parti péroniste, qui deviendra par la suite le Parti Justicialiste. Son idéologie ne veut pas placer la classe ouvrière au centre de l’État mais veut au contraire rassembler cette classe avec la bourgeoisie. Il apporte donc une grande couverture sociale et décrète une “Déclaration des Travailleurs” dans laquelle Perón ne reconnaît pas le droit de grève.
Président de l’Argentine entre 1946 et 1955, inféodé ni aux États-Unis, ni à l’Union Soviétique, il est renversé le 16 septembre 1955 par un putsch militaire qui s’étalera sur quatre ans. Forcé à l’exil jusqu’en 1972, l’activité péroniste ne faiblit pourtant pas en Argentine. En effet, le mouvement Montoneros, fondé en 1970 par des jeunes de classes moyennes, prône un discours anti-capitaliste. Ils réclament le retour de Perón et la construction d’une nation socialiste. Séquestrant et assassinant le général Pedro Eugenio Aramburu qui avait chassé Perón du pouvoir, les Montoneros représentèrent un des grands soutiens du retour du caudillo au pouvoir.
Dans le même temps, une autre formation révolutionnaire fit son apparition : l’Armée Révolutionnaire du Peuple (ERP). Fortement influencée par la doctrine révolutionnaire du Che, l’ERP tenta d’allumer un foyer révolutionnaire dans la province du Tucumán dans le nord-ouest de l’Argentine.
Simultanément, José Lopez Rega, membre du parti justicialiste fut nommé ministre du Bien-être social en 1973 et créa le groupe paramilitaire Triple A (Alliance Anticommuniste Argentine). Son but était d’éliminer des partisans de la gauche du péronisme, mais la Triple A élargit son champ d’action aux opposants de gauche non péronistes du régime.
Juan Domingo Perón décéda le 1er juillet 1974. Sa femme, María Estela Martínez Cartas, dite Isabel Martínez de Perón, lui succéda en qualité de Vice-présidente. Elle resta deux ans au pouvoir avant d’être chassée par un coup d’État des Forces armées, mené par le général Videla.
L’Argentine étant en proie à des difficultés économiques grandissantes, les groupes révolutionnaires de gauche organisèrent des actions de plus en plus violentes contre le pouvoir. Tout d’abord, l’ERP prit contact avec le MIR chilien (Mouvement de la gauche révolutionnaire), et avec les Tupamaros uruguayens afin de fonder la JCR, la Junte de Coordination Révolutionnaire. De fait, les trois principaux mouvements promouvant la lutte armée anti-impérialiste s’associèrent pour lutter contre les dictatures latinoaméricaines.
Pour lutter contre la JCR, le Chili, l’Argentine, l’Uruguay, le Brésil, la Bolivie et le Paraguay fondèrent le Plan Condor. Centré sur le partage d’informations sur les “éléments subversifs” de ces différents pays, le Chili alla plus loin en assassinant des opposants à Pinochet aux États-Unis et en Europe. L’Argentine ne pris pas ces initiatives et les services secrets argentins – le SIDE – décidèrent d’anéantir les révolutionnaires de leurs pays, tout en ciblant également ceux des autres, en coopération avec la DINA et le SID, les polices politiques chiliennes et uruguayennes. Nous pouvons noter les détentions et les tortures subies par Jean-Yves Claudet et les 22 000 morts et disparus que décompta le bataillon 601 du renseignement argentin, découvert par les Archives Arancibia.
Cependant, le partage d’informations se limita dans le temps à cause des différends territoriaux qui s’engagèrent entre le Chili et l’Argentine. Pinochet et la junte voisine étant en quasi situation de guerre ouverte, en massant l’armée de part et d’autre de la frontière en 1978. L’Argentine revendiqua alors les îles Lennox, Nueva et Picton, ce qui provoqua la mort cérébrale du Condor entre ces deux pays, qui avait pourtant initié le mouvement avec l’assassinat de Carlos Prats, ex-commandant des Forces armées chilienne et un des plus fervents opposants de Pinochet en 1974.
Camilo Morales, service civique à FAL
Voir aussi
Les cinquante ans du Plan Condor (Camilo Morales / FAL)
Cinquantenaire du Plan Condor : le cas du Chili (Camilo Morales / FAL)