Cinquantenaire du Plan Condor : multinationales et anticommunisme. (Camilo Morales / FAL)
À l’occasion de la commémoration des cinquante ans du Plan Condor, France Amérique Latine revient sur la formation de cette coordination répressive des États sud-américains au niveau continental, voire international. Bien que cette opération ait été mise en place par les dictatures sous l’égide de la lutte contre la « subversion » et pour des valeurs « patriotiques », elle a aussi servi à mettre en œuvre un agenda néolibéral favorisant les grandes multinationales et la libéralisation des services publics.

Initiée par la DINA, les services secrets d’Augusto Pinochet, la répression des militant·es de gauche et des syndicalistes coïncida avec l’instauration des réformes économiques des Chicago Boys, favorisant l’ouverture du marché à tous les secteurs économiques. Cette opération méthodique d’extermination des opposants politiques s’organisa avec l’assentiment des États-Unis, qui formèrent, par l’intermédiaire de l’École des Amériques, Hugo Banzer, le dictateur bolivien, ou encore Manuel Contreras, directeur de la DINA chilienne.
Nous pouvons ajouter que différentes organisations ont aidé les dictateurs latino-américains dans cette entreprise, comme la WACL (la Ligue anticommuniste mondiale), composée de plusieurs branches, dont la Confédération anticommuniste d’Amérique latine (CAL). C’est d’ailleurs en 1977 que la CAL donna sa troisième conférence à Asunción, capitale paraguayenne, en présence du général Gustavo Leigh, appartenant à la junte chilienne, ainsi que de Juan Manuel Frutos, membre du « Partido Colorado », parti politique de Stroessner. Ce dernier participa à la cérémonie d’ouverture de la conférence annuelle de la WACL de 1979, toujours à Asunción. L’année suivante, en 1980, la conférence de la CAL s’organisa à Buenos Aires, sous la responsabilité du général Videla.
La prise de pouvoir des dictatures latino-américaines et les années qui suivirent, à savoir 1980-1990, ont été nommées par des spécialistes la « décennie perdue ». Les réformes économiques néolibérales inspirées de Milton Friedman ont favorisé une politique d’exportation des matières premières, comme le cuivre du Chili ou encore les produits agricoles d’Argentine. De par l’abandon des politiques industrielles en Amérique latine, le sous-continent a fait face à une hyperinflation, une baisse de la croissance, un chômage de masse, et des prêts contractés à outrance auprès du Fonds monétaire international, en échange d’une libéralisation du secteur public.
De fait, cette crise économique a ainsi alimenté le monopole des entreprises états-uniennes sur le Nouveau Continent. Par exemple, l’Argentine et le Paraguay ont signé l’Accord de transport fluvial pour la voie navigable Paraguay-Paraná. Cela permet à des entreprises comme Cargill d’exploiter les eaux du fleuve au service de l’agro-industrie mondiale, ce qui provoque des conflits entre les pêcheurs et les compagnies transnationales. De plus, de nombreuses firmes défrichent l’Amazonie en vue d’utiliser la terre comme exploitation agricole de soja, non pas pour nourrir les populations sur place, mais pour l’exporter vers les pays occidentaux.
Nous pouvons donc établir un lien logique entre les multinationales, l’anticommunisme des dictatures et la privatisation des services publics durant les années 1980-1990. Il nous faut également penser, non à un renouveau du Plan Condor, mais à une transformation de celui-ci, visant les militant·es écologistes, de plus en plus menacé·es en Amérique latine.
Camilo Morales, service civique à FAL
Voir aussi
Les cinquante ans du Plan Condor (Camilo Morales / FAL)
Cinquantenaire du Plan Condor : le cas du Chili (Camilo Morales / FAL)
Cinquantenaire du Plan Condor : le cas de l’Argentine (Camilo Morales / FAL)