Colombie : le candidat de gauche à la présidence face aux menaces de la droite (Nadja Sieniawski / Contretemps)


L’ancien combattant de la guérilla Gustavo Petro pourrait bientôt devenir le premier président de gauche de Colombie. Sa candidature a été accueillie non seulement par des calomnies, mais aussi par des menaces crédibles d’assassinat de la part de la droite. (…) Les assassinats politiques ont une longue histoire en Colombie. Petro et Márquez ont fait face à de multiples menaces de la part de groupes paramilitaires d’extrême droite et prennent des risques importants pour leur vie en défiant les élites.

Gustavo Petro. Photo : Commons Wikimédia

La normalité semble être revenue en Colombie. Les rues sont animées, les restaurants et les clubs de salsa sont ouverts, on voit rarement des masques. La pandémie semble faire désormais partie du passé, devenant un sujet parmi d’autres. Mais les effets économiques du COVID-19 perdurent. Les difficultés rencontrées par la population, contrainte de se confiner sans moyens de subsistance, ont eu un impact profond sur la façon dont les Colombien.nes vivent et perçoivent leur qualité de vie.

Le manque d’opportunités pour les jeunes, l’augmentation des inégalités et la corruption endémique caractérisent cette nation d’Amérique latine, dirigée depuis l’indépendance par des gouvernements conservateurs. Mais la pandémie a provoqué une prise de conscience générale du manque d’attention du gouvernement envers les pauvres. En réponse à la proposition de Bogotá de mettre en place une taxe régressive sur les services publics qui aurait aggravé encore davantage les conditions de vie de la population, plus de cinq millions de Colombien.nes se sont uni.e.s et sont descendu.e.s dans la rue en mai 2021 lors de manifestations sans précédent qui ont été réprimées avec une féroce brutalité policière

L’après-coup

Les protestations se sont apaisées, mais les difficultés économiques restent courantes. En 2021, 39,3 % des Colombien.nes vivaient dans la pauvreté ; une réduction par rapport aux 42,5 % de 2020, mais toujours en hausse par rapport au chiffre de 35,7 % enregistré avant la pandémie. L’inflation avoisine les 9 %, les prix des denrées alimentaires étant fortement impactés par l’invasion russe en Ukraine.

« Avant la pandémie, la vie était plus facile. L’argent liquide que vous aviez durait plus longtemps. Maintenant, les prix des denrées alimentaires augmentent de manière incontrôlée mais nos salaires ne suivent pas. Les produits de première nécessité deviennent des produits de luxe inabordables », selon Andrea Bermúdez, une vendeuse de la ville de Buga, dans le sud du pays.

En conséquence, la plupart des Colombien.nes sont déterminé.es à faire pression pour un changement lors des prochaines élections. Mais l’unité des manifestations de l’année dernière s’est effritée.

D’après les sondages, 38 % des Colombiens sont favorables au candidat de gauche à la présidence et ancien membre de la guérilla, Gustavo Petro. Mais la peur de devenir le Venezuela, le scepticisme généralisé à l’égard du socialisme et même la crainte que la Colombie ne retourne à l’époque des combats intenses de la guérilla constituent des pierres d’achoppement dans la quête de changement du pays.

Pourtant, les primaires colombiennes de mars ont montré un étonnant virage à gauche, puisque l’actuel sénateur Petro l’a emporté avec 4,49 millions de voix, contre 2,16 millions pour son principal rival, l’ancien maire de Medellín Federico Gutiérrez.

Dans une victoire remarquable pour les femmes largement sous-représentées dans la vie politique colombienne, la féministe afro-colombienne et militante des droits de l’homme Francia Márquez s’est hissée en deuxième position dans la primaire de gauche de Petro. Elle est maintenant sa colistière et sera vice-présidente si Petro l’emporte.

Le duo a mobilisé des millions de Colombien.nes, en particulier la jeunesse désemparée. « Mon espoir est que nous serons en mesure de changer notre pays, de le rendre plus inclusif et économiquement stable. Nous devons investir dans notre peuple et améliorer l’éducation pour que les changements soient portés à l’avenir par les nouvelles générations », nous a déclaré Daniela Bermúdez, une jeune femme de Cali.

Diego Fernando Campo Valencia, fondateur de l’ONG Fundación Proyectando Vidas, a expliqué que la jeunesse colombienne n’était souvent pas politisée dans le passé. Mais « aujourd’hui, a-t-il dit,  ils sont ce sur quoi ce pays compte. De nombreuses émotions refoulées à propos des injustices ont éclaté pendant la pandémie. Bien que l’ensemble des possédants travaille contre Petro, il continue à donner de l’espoir aux gens chaque jour. Il démontre que le changement est possible pour notre pays ».

L’élection de cette année est la troisième candidature de Petro à la présidence. En 2018, il a perdu le second tour face au candidat de droite Iván Duque, avec douze points d’écart. Ancien guérillero du M-19, Petro a ensuite pris part aux pourparlers de paix qui ont ouvert la voie au désarmement du M-19 et à la création d’un parti politique de gauche en 1990. Il a consacré la dernière partie de sa carrière à la politique électorale et a siégé au Congrès colombien pendant près de deux décennies avant de devenir maire de la capitale, Bogotá, en 2011, après une première candidature ratée à la présidence en 2010. (…)

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Nadja Sieniawski est une journaliste indépendante qui a vécu et travaillé en Colombie, en Allemagne et au Royaume-Uni. Cet article a été initialement publié par Jacobin. Traduction par Christian Dubucq pour Contretemps.