Une crise pénitentiaire sans précédent en Équateur appelle à une réforme du système carcéral (Julie Ducos / Espaces Latinos)

Selon les médias locaux, un massacre d’une ampleur inédite a eu lieu au sein de plusieurs prisons d’Équateur, le mardi 23 février, alors que la situation était très instable dans les prisons depuis deux ans : 79 morts ont été enregistrés parmi les détenus suite à des affrontements violents entre différentes bandes, de quoi rappeler au gouvernement que des réformes du système pénitentiaire sont nécessaires.

Mutinerie dans la prison de Cuenca. Photo : Pulso Ecuador

Les centres pénitentiaires de Guayaquil, Cuenca et Latacunga sont concernés par les évènements sanglants du 23 février, le jour le plus meurtrier que l’Équateur ait connu dans ses prisons depuis 48 ans. La violence extrême des affrontements entre bandes criminelles a choqué la population, en particulier après la diffusion des images de corps décapités et démembrés publiées sur les réseaux sociaux. Lenín Moreno a d’abord fait un lien immédiat entre cette violence et le crime organisé transnational ainsi que le narcotrafic. Selon lui, il n’y a pas de « coïncidences », les faits étant des « conséquences » directes de l’augmentation du narcotrafic ces derniers temps. Le massacre aurait été organisé depuis l’extérieur des prisons, et orchestré dans leurs enceintes par ceux qui se disputent le leadership et le trafic de drogue sur le territoire national. D’après les médias équatoriens, cinq bandes criminelles sont derrière les évènements du 23 février : les Pipos, les Lobos, les Chones Killers, les Tiguerones et les Choneros.

Les propos de Lenín Moreno et des médias locaux peuvent être appuyés par les études d’Insight Crime, selon laquelle l’Équateur s’est converti en autoroute de la cocaïne en partance pour l’Europe et les États-Unis. En effet, plus d’un tiers de la cocaïne produite en Bolivie est acheminée par le pays. Les journalistes équatoriens Maria Belén Arroyo et Arturo Torres, auteurs d’un livre sur le sujet, estiment à près de 500 tonnes de drogue la quantité qui sort chaque année du pays pour l’étranger.

Ces derniers mois, l’augmentation du narcotrafic a eu pour conséquence directe l’accroissement du nombre de prisonniers en Équateur, sans que les capacités de surveillance et de vigilance dans les prisons soient améliorées pour autant. À cause des accords conclus l’an passé avec le FMI, le gouvernement a mis en place des plans d’austérité faisant subir des coupes budgétaires au secteur de la surveillance. Le manque de ressources financières a donc causé un déficit de 70% du personnel chargé de garantir la sécurité des prisons. Il y a un garde pénitentiaire pour 27 détenus environ dans les prisons équatoriennes, alors que le standard international s’élève à un pour neuf. Cela peut expliquer comment les narcotrafiquants parviennent à mener des opérations depuis les prisons, ainsi que la provenance des armes dont les détenus se sont servis mardi dernier. 

En 2019 et 2020, le manque de personnel était également une des raisons qui expliquaient les déclarations d’état d’urgence dans les prisons par le président. L’armée a ainsi libéré du personnel pour faire face à la violence carcérale dans le pays. La Cour constitutionnelle a cependant interdit de recourir à ce procédé au mois d’octobre 2020 ; le plan de réforme proposé en échange n’a pas pu être mis en place faute de personnel.

Selon le média argentin Primicias, ce n’est pas la première fois que l’austérité vient reporter la nécessaire réforme du système pénitentiaire en Équateur. Un plan de transformation et de réhabilitation sociale à hauteur de 38,8 millions de dollars avait été mis en place par le gouvernement en juin 2019, ce qui semblait être porteur d’espoir pour la situation des prisons dans le pays. Cependant, à cause de trois coupes budgétaires opérées sur le programme par le ministère des Finances, le budget s’élève actuellement à 1,8 millions de dollars seulement. (…)

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