Comment des entreprises et banques européennes participent à la destruction des forêts et savanes du Brésil (Réseau européen des observatoire des multinationales ENCO / Bastamag)


L’Amazonie et la région du Cerrado font face à des destructions dévastatrices pour exporter de la viande et du soja à bas prix. Un rapport inédit pointe la responsabilité des entreprises européennes.


La dépendance du Brésil à l’égard de l’exportation de matières premières est la cause première du niveau sans précédent de déforestation et de surexploitation de la nature dans les deux écosystèmes les plus riches du Brésil : l’Amazonie et le Cerrado (région de savane). L’Amazonie est un écosystème clé pour la santé environnementale mondiale, puisque qu’elle influence le climat par son rôle de puits et de stockage du carbone. Le Cerrado est la savane la plus riche du monde. Et de grandes entreprises et établissements financiers européens y jouent un rôle important.

Au-delà de leur extrême abondance en faune et en flore, en eau et en biodiversité, les régions de l’Amazone et du Cerrado sont l’habitat de nombreuses communautés traditionnelles (populations autochtones, petits agriculteurs, communautés de briseurs de noix de coco babassu, communautés afro-descendantes) qui vivent depuis des siècles faisant coexister économie locale et durabilité des ressources naturelles. De vastes territoires de ces écosystèmes sont menacés par de nombreux intérêts économiques : l’avancée de l’agro-industrie qui appuie sur l’élevage, les grandes monocultures de soja, la viande et le bois ; et les activités minières et d’exploitation forestière liées aux industries des matières premières.

Incendies, conflits pour l’appropriation de terres, agressions des communautés autochtones

En 2019, des incendies généralisés ont dévasté de grandes parties des forêts tropicales amazoniennes, conséquence pour la majorité d’entre eux d’une pratique d’ouverture de zones de pâturage pour le bétail. Le nombre de foyers d’incendie identifiés dans la région amazonienne en août 2019 était le plus élevé depuis 2010, et deux fois plus élevé que les chiffres enregistrés à la même période l’année précédente. Dans la région du Cerrado, d’immenses étendues de végétation de terres indigènes ont été converties en zones de pâturage et de production agricole. Selon une estimation, environ 80 % de la végétation originelle du Cerrado a été modifiée par l’expansion de l’agro-industrie.

Aujourd’hui, les régions de l’Amazonie et du Cerrado sont des territoires de conflit politique, économique et environnemental. Ces affrontements ne sont pas seulement dus à une concurrence interne entre les secteurs économiques qui exploitent le soja, le maïs, le bœuf, le cuir, le bois, la canne à sucre, le coton et les ressources minérales. Ils tiennent aussi aux conflits entre les grandes et moyennes entreprises agricoles – soutenues politiquement par le gouvernement de Jair Bolsonaro – et les populations forestières.

Les agressions, les expulsions et les déplacements des communautés traditionnelles ont continué d’augmenter sous le gouvernement Bolsonaro. La pandémie a encore ajouté un nouveau défi, car les organismes d’État chargés de veiller au respect des droits ont également été confinés, ce qui a rendu plus facile les violations des droits de plusieurs communautés des régions du Mato Grosso, du Pará, de la Rondônia, du Maranhão. Le peuple indigène Xavante, dans le Mato Grosso a par exemple subi davantage d’agressions pendant la période de pandémie. Par ailleurs, les communautés paysannes de Balsas, dans l’État du Maranhão, comme la communauté de Bom Acerto, ont subi un déplacement forcé en août 2020 [1] .

Quel est le rôle des entreprises européennes ?

La lutte contre la déforestation illégale vise les entreprises impliquées dans la chaîne de production des produits de base, y compris les institutions financières et autres entreprises multinationales qui font partie du processus d’approvisionnement. En 2016, par exemple, la Santander Bank (banque espagnole) a été condamnée à une amende de 15 millions de dollars pour avoir fourni un soutien financier à des cultures pratiquées sur des zones illégalement déboisées. De grandes sociétés de négoce de céréales, dont Cargill et Bunge (États-Unis), ont été condamnées à des amendes totalisant 29 millions de dollars après une enquête de l’Ibama (l’équivalent de l’Office nationale des forêts) révélant qu’environ 3000 tonnes de céréales produites par cinq maisons de négoce avaient été récoltées dans des zones interdites à l’agriculture.

En plus du soutien financier, des entreprises européennes opèrent directement dans les régions de l’Amazonie et du Cerrado et certaines y sont accusées de violation des droits. Des sociétés minières présentes dans l’État du Pará (comme la française Imerys et la norvégienne Norsk Hydro) et des groupes du secteur des infrastructures (privés et étatiques), qui gèrent des concessions de transport et de distribution d’énergie, ont été accusés de générer des impacts négatifs sur les territoires. Selon les organisations de la société civile, la présence de ces sociétés multinationales a contribué à accroître la tension sur le territoire contre les droits des communautés locales. (…)

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