La justice transitionnelle en Colombie est-elle pro-FARC ? (entretien avec Mathilde Allain par Julie Gacon / France Culture)

Suite à une longue et minutieuse enquête de la Juridiction spéciale de paix qui met en cause l’armée colombienne dans l’assassinat de milliers de civils, le président Iván Duque l’accuse de parti pris.

Entretien avec la maîtresse de conférences Mathilde Allain (IHEAL)
(Julie Gacon – Les enjeux internationaux – France Culture)

Manifestation d’anciens membres des FARC pour le respect des accords de paix (Bogotá novembre 2020) Photo : Daniel Muñoz – AFP

La justice transitionnelle poursuit son cours en Colombie. Malgré les bâtons glissés dans ses roues, notamment par le président Ivan Duque élu pour mettre en œuvre l’accord de 2016 qu’il n’avait pas négocié, puisque c’est l’œuvre de son prédécesseur Juan Manuel Santos. Iván Duque pensait au contraire que les FARC devaient être traités par la justice ordinaire, et non une justice adaptée aux situations d’après-conflit.

Mais la Juridiction spéciale de paix continue son travail, continue à auditionner les anciens combattants de la guerre civile colombienne. Du côté des anciens guérilleros marxistes des FARC, et des militaires et hauts gradés de l’armée. 

Et c’est suite à de nombreuses auditions qu’elle a pu mettre des mots et surtout des chiffres, sur une pratique de l’armée colombienne dénoncée depuis longtemps par les ONG et associations de victimes : les faux positifs.

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Par “faux positifs”, on parle bien de crimes commis directement par l’armée dans différentes configurations, à la fois l’assassinat de personnes civiles dans les campagnes, ou bien des jeunes des quartiers, parfois même des personnes handicapées qui ont été déplacées depuis les villes vers les campagnes et retrouvées mortes [l’armée les a fait passer pour les combattants des FARC]. Les Mères de Soacha, un quartier populaire de Bogota, sont mobilisées depuis de nombreuses années pour faire reconnaître ces faits. On parle donc de personnes qui n’avaient rien à voir avec le conflit armé et qui se sont retrouvées victimes de cette politique du chiffre mise en place sous la présidence d’Alvaro Uribe. La Juridiction spéciale pour la paix a décidé de se concentrer en priorité sur la période 2002-2008, pendant laquelle Alvaro Uribe était président, car 78% des cas ont eu lieu pendant cette période”. Mathilde Allain

La Juridiction spéciale pour la paix en Colombie ne désigne pas de petits soldats, elle remonte la chaîne de commandement. Elle l’a fait l’ex-guérilla des FARC, en désignant par exemples huit anciens combattants comme “responsables politiques”. Beaucoup espèrent qu’elle pourra faire de même pour le haut commandement militaire”. Mathilde Allain

Voir également Colombie: plus de 6400 civils exécutés par l’armée entre 2002 et 2008 (Diego Legrand / AFP / La Presse)