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La transition post pétrolière est-elle en marche ?

Le 8 mai dernier s’est tenu à la Flacso (Faculté de sciences sociales d’Equateur) un atelier sur le processus de transition post-pétrolière auquel j’ai participé pour représenter la Fondation Pachamama : étudiants, enseignants-chercheurs, économistes, écologistes se sont réunis pour penser la transition et évaluer les avancées nationales sur ce point.

L’Amérique Latine offre un espace pour pouvoir discuter d’une transition pétrolière, voire de post-extractivisme et d’un changement de modèle, ce qui est déjà considéré comme une grande opportunité par les participants.

Dans un premier temps le groupe de travail a mené une réflexion sur la définition du développement conventionnel, de l’économie du développement et des propositions alternatives pour le développement (Sumak- Kawsay [1], la notion de développement et liberté d’Amartya Sen [2] ).

Malgré la multiplicité des théories du développement le groupe s’est interrogé sur la nécessité de créer des modèles de développement alternatifs, jusqu’à quel point vaut-il la peine de repenser le développement ? Ne serait-il pas préférable de chercher une alternative au développement ?

La discussion s’est orientée vers les valeurs nécessaires pour atteindre une pensée holistique intégrant le Buen-Vivir, l’autosuffisance, la pensée propre, de nouveaux indicateurs, le retour au local et l’importance d’une nouvelle épistémologie.

Concernant le changement de matrice énergétique il est établi que la terre est composée de sous-systèmes interconnectés : l’économie basée sur l’énergie fossile, qui provoque le changement climatique. Et les solutions comme le développement d’une économie humaine basé sur l’énergie renouvelable, qui contribuerait à stabiliser le changement climatique.

D’autres éléments fondamentaux de la transition énergétique se basent sur la formation d’une nouvelle société civile éduquée, sur le transfert de connaissances, sur la nécessité d’un nouveau pacte social, la rupture des dynamiques consuméristes et individualistes, le besoin d’esprit critique et l’utilisation des espaces académiques pour étendre et approfondir ces valeurs.

Gerardo Honty, chercheur en énergie et changement climatique au CLAES (Centre Latino-américain d’Ecologie Sociale) a abordé les limites de la croissance énergétique en Equateur, il est considéré que le pic pétrolier à été atteint en 2006 et que les réserves de pétrole non-conventionnel (pétrole extra-lourd dans le cas équatorien) s’achèveront vers 2030.

Or le pays n’est pas du tout préparé à la transition énergétique à laquelle il devra inéluctablement faire face, le développement des énergies renouvelables reste limité, il est donc nécessaires et urgent d’investir dans la recherche en énergies propres, de réguler la consommation d’énergie, d’augmenter l’efficience des appareils électriques et de renforcer l’autonomie régionale.

En Equateur les transports consomment 50% de l’offre énergétique : Miguel Castro, économiste membre du Centre de Droit Environnemental d’Equateur (CEDA) propose donc d’investir massivement dans le transport électrique, et le développement d’énergies renouvelables comme la biomasse. Récemment une usine de biomasse a vu le jour à Nayon, dans la périphérie de Quito, elle utilise les résidus de palme et pourrait alimenter 22% du transport équatorien.

D’autre part, Carlos Larrea, enseignant-chercheur et économiste équatorien, a mis l’accent sur la volonté du gouvernement équatorien de produire plus de pétrole , en organisant par exemple la 11ème ronde pétrolière sur les territoires indigènes du centre-sud amazonien. [3]

Cependant ces réserves sont faibles et Carlos Larrea estime qu’en 2042, l’Equateur sera importateur net de pétrole.

Le gouvernement de Rafael Correa a inclus le changement de matrice énergétique au Plan Nacional para el Buen Vivir. S’il est vrai que le pays n’a jamais développé autant de projets de génération d’énergies renouvelables, il a orienté sa politique vers l’établissement de méga-projets hydroélectriques dont l’impact est critiquable alors qu’il a négligé le développement de projets à plus petite échelle qui peuvent être gérés par les gouvernements locaux.

Enfin, il semble que si le débat est ouvert, la société équatorienne reste ancrée dans un modèle dépendant du pétrole : sa consommation augmente de 5% par an.
Cette transition à une société post-pétrolière implique donc un changement fondamental de conception et mode de vie.

Il est donc primordial de multiplier les alternatives au pétrole, qui représente 40% des recettes de l’Etat. Qu’adviendra t-il des programmes sociaux, de l’éducation et de la santé si rien n’est fait pour anticiper la fin de la rente pétrolière ?

Lucia Villaruel
Service civique FAL Marseille (Projet Amazonie équatorienne)
Fondation Pachamama Ecuador

Ciclo de foros y talleres de trabajo Ecuador
¿Estamos en transición hacia un país post petrolero ? Mayo/ Julio de 2012