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Le combat sans fin des victimes de l’or noir d’Amazonie (Éric Serres / L’Humanité)

La lutte qui oppose depuis vingt-cinq ans les Indiens d’Équateur à Chevron, accusé d’écocide, illustre ce que pourrait éviter un traité rendant responsables les multinationales en cas de violations des droits humains.

Ils seront nombreux, à Genève, pour soutenir l’adoption d’un traité onusien permettant de tenir les multinationales légalement responsables des violations des droits humains qu’elles commettent. Justino Piaguaje, représentant de la communauté siekopai, en Équateur, accompagné de Pablo Fajardo, leur avocat, seront du voyage. Pour le représentant de cette communauté, mais aussi de toutes celles de la province de Sucumbíos (nord de l’Équateur), il est temps de mettre fin à l’impunité dont jouit la compagnie pétrolière américaine Chevron dans son pays. « Chez nous, tous les fleuves qui traversent nos terres ont été pollués par l’extraction pétrolière. Nos puits sont infectés, la terre aussi. Cela suinte de partout. Impossible d’y pêcher. Impossible de cultiver quoi que ce soit qui n’ait pas le goût du pétrole. Les eaux sont contaminées par tous les déchets d’hydrocarbures que Chevron a laissés dans la terre », explique Justino Piaguaje.

 

Chevron a aussi déversé des résidus toxiques directement dans la forêt amazonienne

Entre 1964 et 1992, la société américaine Texaco, rachetée en 2001 par Chevron, a exploité les ressources pétrolières du nord-est du pays. Pendant ces trois décennies, elle a aussi déversé des résidus toxiques directement dans la forêt amazonienne, créant des centaines de piscines pestilentielles, toujours visibles. Du ni fait ni à faire. Jamais, durant toute cette période, le pétrolier n’aura pris de mesures de sécurité. « Texaco a extrait un milliard cinq cents millions de barils brut dans une zone de quelque quatre cent mille hectares et, délibérément, a reversé des tonnes d’éléments toxiques et de déchets d’entretien, ainsi que plus de soixante-douze milliards de litres d’eau sale dans l’environnement », explique ainsi, dans un rapport, l’ONG Acción Ecológica.

Sous la pression de l’État équatorien, la compagnie a fait mine, un moment, de nettoyer. « Un tiers seulement des piscines ouvertes, sur les centaines existant ! Ce nettoyage a consisté essentiellement à couvrir les piscines avec de la terre, des déchets pétroliers, des pneus ou du ciment, dissimulés parfois sous une couverture végétale », explique l’Union des personnes victimes de Chevron (Udapt). « Largement insuffisant ! » répondent pareillement les communautés indigènes, qui ne comptent plus les milliers de cas de cancers.

Confrontées à ce déni environnemental, sanitaire et même culturel, celles-ci demandent réparation dès 1993. Trente mille plaignants au total attaquent la multinationale en justice sur le sol américain, là où se trouve son siège social. Un risque pour Chevron. Pariant sur le fait qu’il serait moins inquiété en Équateur, le pétrolier propose alors d’y délocaliser l’affaire. Mauvaise pioche ! En 2011, après des années de procédure, le pétrolier est condamné, par la cour équatorienne de la province de Sucumbíos, à une amende record de 9,5 milliards de dollars de réparations, soit 8 milliards d’euros.

La multinationale, jamais à court d’idées, trouve une nouvelle parade et accuse la justice équatorienne de corruption. « Les multinationales se placent toujours en victimes ! s’énerve Pablo Fajardo. Chevron a demandé à être jugé dans notre pays et il a perdu. Toutes les études scientifiques démontrent sa responsabilité, alors il fait paravent avec une supposée corruption. » Et cela fonctionne. En 2017, la Cour suprême des États-Unis donne raison au pétrolier, en estimant l’affaire entachée d’irrégularités.

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