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Mexique. Un nouveau journaliste meurt dans son combat contre la corruption

Par Sabine Grandadam*

Cándido Ríos Vázquez, un journaliste localier de l’État de Veracruz, a été abattu le 22 août devant la supérette d’un village. Les deux hommes qui l’accompagnaient ont aussi perdu la vie. Le journaliste bénéficiait d’une protection policière, mais seulement à son domicile.

Cándido Ríos Vázquez se disait lui-même “journaliste par nature”, rapporte El Universal, et depuis dix ans il couvrait pour le média Diario de Acayucan la politique locale, le sport ou la rubrique police.

Le 22 août, il a été “exécuté par balles” alors qu’il se trouvait avec deux autres personnes devant la supérette d’un village de sa région, Hueyapan de Ocampo, dans le sud de l’État de Veracruz.

“Selon des témoins, des hommes armés circulant à bord d’une camionette ont ouvert le feu sur eux”, poursuit El Universal. Les deux compagnons du journaliste ont eux aussi succombé à ces tirs.

Cándido Ríos est le dixième journaliste assassiné au Mexique depuis le début de l’année, souligne la presse.

Un journaliste qui usait ses semelles

Autodidacte, peu fortuné, le localier était un personnage populaire. Il arrondissait ses fins de mois en vendant dans la rue son propre journal, raconte le site La Silla Rota, car le média ne le payait que 100 pesos (moins de 5 euros) par jour pour ses articles. La Silla Rota rapporte que les gens dont des proches avaient disparu ou qui étaient victimes d’injustices venaient solliciter son aide. Il était le journaliste “qui usait ses semelles” sur un terrain miné.

Depuis dix ans, Cándido Ríos avait à plusieurs reprises dénoncé les malversations et la corruption d’anciens maires ou de responsables locaux, et ses accusations lui avaient attiré des menaces justifiant des mesures de protection mises en place par l’État fédéral. Hors de son domicile, néanmoins, il ne bénéficiait d’aucune protection, souligne La Silla Rota.

“Jusqu’à son dernier souffle, il n’a eu de cesse de dénoncer les responsables locaux qui pillent Hueyapan et de haranguer la population pour qu’elle défende ses intérêts, confie le directeur de la rédaction du Diario de Acayucan, qui affiche en une la photo du journaliste décédé et le titre : “Ils ne nous feront pas taire”.

Il y a quelques jours, l’organisme de défense de la liberté d’expression au Mexique et en Amérique latine, Artículo 19, publiait un bilan effarant sur la situation des journalistes au Mexique.

Dans ce pays et sur le seul premier semestre 2017, y est-il indiqué, c’est plus d’une fois par jour qu’un journaliste est agressé. Entre janvier et juin de cette année, 276 agressions contre des journalistes y ont été comptabilisées, dont 6 homicides. Peu avant sa mort, Cándido Ríos avait à nouveau dit, dans une vidéo diffusée sur Facebook, qu’il savait qu’il allait être tué.

Dénonçant une fois de plus nommément des politiques locaux dans ce document, il déclarait :

Nous, les journalistes, nous n’utilisons pas d’armes, et, sachant que nos armes à nous ne balancent pas des balles, mais des vérités, ils nous liquident d’autant plus facilement.”

* Article originellement publié sur Courrier international