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Pérou – Climat : SOMMET DES PEUPLES DE CELENDIN

Cette année, le Sommet des Peuples face au Changement Climatique, événement alternatif, se tiendra parallèlement à la COP 20, du 8 au 11 décembre 2014 à Lima. L’objectif de ce sommet est de développer une discussion qui ne se limite pas aux émissions de Gaz à Effets de Serre mais qui amène à la réflexion sur « une réelle dimension de ce que signifie aujourd’hui le changement climatique pour nos sociétés ». Afin de préparer cet événement alternatif, des ateliers se sont réalisés à niveau macro-régional avec des représentants de la société civile, des gouvernements régionaux et des mouvements sociaux pour prendre en compte leur position. Suite à cela, les régions sont libres de s’organiser afin de participer activement.

La région de Cajamarca, emblème de la lutte contre l’activité minière face au mégaprojet minier Conga, se mobilise. A l’initiative de différentes organisations de la société civile et institutions (GRUFIDES, Mesa de Concertacion de Lucha Contra la Pobreza de Cajamarca, Marche Mondiale des Femmes Pérou, GRIDES, Gouvernement Régional de Cajamarca, Foro Salud, SER, Centro Idea), l’événement « Cajamarca jusqu’à la COP 20 » s’est réalisé le 21 août 2014. Les travaux de groupes réalisés lors de cet événement ont démontré la nécessité de repenser le modèle de développement actuel qui affecte largement les populations de la région à travers la contamination et l’utilisation excessive de l’eau par l’activité minière et la contamination des territoires. Face à l’ampleur de la problématique, les participants ont évoqué l’idée d’organiser un rassemblement plus ample, plus long, afin de rédiger des propositions concrètes face à ce modèle de développement.

Ce rassemblement, d’une durée de trois jours, s’est déroulé entre le 23 et le 25 à octobre dans la province de Celendin, région de Cajamarca.

Le premier jour, il a regroupé différents acteurs de la région de Cajamarca dans la communauté El Lirio : les Rondes Paysannes de la région, les Fronts de Défenses, différentes organisations sociales de base, des ONG et les habitants de la communauté El Lirio, communauté qui serait directement affectée par le mégaprojet minier Conga. Après une introduction qui expliquait les objectifs de ce Sommet des Peuples et la méthodologie qui sera utilisée, les différentes délégations ont pu se présenter. Par la suite, ont débuté les travaux de groupes qui se sont déroulés par province et dans lesquels les participants ont élaboré la carte de leur province, mettant en évidence les problématiques socio-environnementales, précisant les projets extractifs, les conflits que ceux-ci ont pu engendrer, les alternatives possibles aux activités extractives, ainsi que les affectations dues aux changements climatiques. Chaque groupe a pu, lors d’une assemblée plénière, présenter et expliquer son travail. Durant l’après-midi de cette première journée, les différents groupes se sont consacrés à la réflexion de propositions face au modèle extractiviste, travaillant principalement deux thèmes : « Stratégies de luttes et actions » et « Alternatives au modèle extractiviste ». Les résultats de ces différents travaux ont permis de rassembler les propositions du peuple de la région de Cajamarca.

Les deux jours suivants se sont déroulés à Celendin et ont regroupé des acteurs de différentes régions du Pérou afin de lier les problématiques, rassembler les luttes et de rédiger ensemble des propositions face au modèle de développement économique actuel.

La deuxième journée a été dédiée à de nouveaux travaux de groupes dans lesquels les participants ont réalisé les cartes des différentes parties du pays en fonction de l’origine territoriale des participants (Lima/Centre, Cajamarca, Amazonie, Nord du Pérou, Sud du Pérou) qu’ils ont pu présenter en Assemblée Plénière. L’après-midi, les travaux de groupes avaient pour thèmes : « Economie Juste et Solidaire », « Protection des biens communs et du territoire », « Démocratie, droits de l’homme et conflits sociaux-environnementaux ». Deux groupes supplémentaires se sont crées à la demande des participants : « Identités culturelles en tant que peuples andins et amazoniens » et « Les femmes face au changement climatique ». Les résultats de ces travaux ont été présenté et longuement discutés en vu de la rédaction de la « Déclaration du Sommet des Peuples de Celendin ».

Le troisième et dernier jour a été consacré à la rédaction ainsi qu’à la discussion et l’approbation de la déclaration à travers une longue assemblée. L’événement s’est clôturé par diverses activités dans l’après-midi, réalisées par différents collectifs telle que la visite des peintures murales réalisées à Celendin, du théâtre où encore la réalisation de tee-shirt. La dernière soirée a permis le partage de différentes formes artistiques telles que le théâtre, des chants (notamment du groupe Tinkari), des poèmes et la projection du documentaire « Cuentan y cantan » (« Elles racontent et chantent »), réalisé par Françoise Chambeu, qui rappelle l’importance du rôle des femmes dans la lutte.

La forte présence de femmes à cet événement, venant au nom de leurs associations où à titre personnel, a permis la mise en évidence des impacts particuliers qu’ont sur leur vie le changement climatique et la domination du modèle capitaliste extractiviste. De leur propre initiative s’est tenu une réunion pour travailler le thème « Les femmes face au changement climatique et aux projets extractifs » dont les propositions concernent la lutte face au modèle capitaliste et patriarcal qui impacte particulièrement la vie des femmes.
 Les luttes se doivent de contenir un point de vue de genre et d’inter-culturalité
 La reconnaissance de leur apport dans l’économie, la politique, la culrure et le care.
 La mise en valeur des savoirs des femmes, de leurs expériences et de leurs technologies qui contribuent au « bien vivre ».
 La reconnaissance et la protection des droits des femmes à l’accès et à l’usage durable de tous les biens communs.
 La reconnaissance des droits des femmes et de tout le peuple en général à vivre sans violences causées par les conflits sociaux-environnementaux et l’expansion du modèle extractiviste. Le respect et la garantie de tous les droits humains, spécialement des défenseuses et défenseurs environnementaux, les peuples autochtones et les droits de la Terre Mère.
 Que toutes les organisations assument les luttes contre les différentes formes de violence et de domination des femmes.
 Renforcement et articulation des organisations des femmes.

Durant cette réunion, les femmes ont appelé à la réalisation d’un Sommet des Peuples des Femmes face au changement climatique, qui aura également lieu à Celendin, du 28 au 30 novembre 2014.

Lors de l’Assemblée, les résultats de tous les travaux de groupes ont été discutés et le document « Déclaration du Sommet des Peuples de Celendin » a été rédigé, tentant de prendre en compte les nombreuses propositions de chaque groupe. Le document peut se consulter via le lien suivant :http://solidaritecajamarca.blogspot.fr/2014/10/communique-du-sommet-des-peuples.html.

L’événement a rassemblé plus de 250 personnes, de plus de 63 ONG, organisations sociales de bases, spécialistes et partis politiques. La position de ce Sommet des peuples est claire : la COP 20 ne parvient pas aux accords qui seraient nécessaire pour faire face au changement climatique et surtout, cette réunion ne remet pas en question le modèle actuel de développement économique basé sur le néolibéralisme, et plus particulièrement au Pérou sur le modèle extractiviste. Ainsi, depuis la région de Cajamarca, emblématique par sa lutte contre l’activité minière, a pu s’initier la création d’un mouvement plus vaste dans l’idée qu’il perdure après la COP 20. Au cours de cet événement s’est crée un réseau entre les peuples affectés par les différents projets, horizontal et démocratique, qui permettra d’articuler les luttes.

Camille Cuisset  volontaire de FAL au Pérou