🇵🇪 Pérou: privé de ses dirigeants, le Sentier lumineux reste toujours présent (RFI)


On entend de nouveau parler des vestiges du Sentier lumineux, parti communiste d’obédience maoïste qui a bouleversé l’histoire du Pérou par la terreur, avant d’être défait militairement au prix d’une répression aveugle. Vendredi 15 juillet, le ministère péruvien de la Défense a affirmé qu’un soldat avait été tué par des membres présumés des derniers restes de la guérilla.

Un cultivateur à moto à côté de plants de coca dans le district de Vizcatán del Ene, au Pérou, en septembre 2021. AFP – ERNESTO BENAVIDES

Les faits se sont déroulés dans un lieu majeur de la coca, sur les hauteurs du district de Vizcatán del Ene, province de Satipo, dans la région de Junin. Par communiqué, le commandement conjoint de l’armée relate qu’un soldat est mort lors d’un affrontement avec des « criminels terroristes ».

« Ledit document indique que le sous-officier du troisième EP T/FFEE Macario Pacco Quispe, qui appartenait à la compagnie commando spéciale Lince n°2, a perdu la vie dans l’opération », rapporte la radio. La patrouille était composée de membres de l’infanterie et de la police nationale.

Le commandement conjoint « exprime ses plus sincères condoléances aux proches et réaffirme son engagement à poursuivre la lutte contre le terrorisme dans le cadre juridique actuel et dans le strict respect des droits de l’homme », peut-on lire dans le communiqué de l’armée.

Une lutte d’un autre âge

Cette zone fait partie d’une vallée où sont réfugiés les restes actifs du Sentier lumineux, que les autorités accusent d’être complices des narcotrafiquants. C’est dans le même district, à San Miguel del Ene, que des combattants se réclamant de la guérilla ont tristement fait parler d’eux en mai 2021.

Près de vingt personnes, dont des enfants, avaient péri dans ce village de 300 âmes ; des rebelles avaient fait irruption et avaient tiré. Certains corps avaient été brûlés. On avait retrouvé sur place des tracts virulents se revendiquant du Parti communiste militarisé du Pérou, le MPCP, vestiges du Sentier.

Le fondateur du véritable Sentier lumineux, Abimael Guzmán, a été arrêté en 1992, sous la présidence brutale d’Alberto Fujimori, ce qui avait considérablement affaibli l’organisation. Il est mort à 86 ans dans la prison de haute sécurité où il purgeait sa condamnation à perpétuité, en septembre 2021.

Camarade Artemio, Florindo Eleuterio Flores Hala de son vrai nom, a ensuite pris la relève, mais il a été arrêté à son tour, en 2012, lors d’une opération dont il est ressorti blessé, alors qu’il avait reconnu l’année précédente que la lutte était devenue vaine, et qu’il cherchait une issue politique au conflit. 

Dans la région de Valle de los Ríos Apurímac, Ene y Mantaro, que l’on appelle par son acronyme « Vraem » au Pérou, le MPCP s’est depuis éloigné de la pensée d’Abimael Guzmán pour suivre son chemin, alors que presque tous les dirigeants du Sentier sont morts ou derrière les barreaux.

Depuis une vingtaine d’années, tous les gouvernements successifs du Pérou ont admis la survivance de la guérilla. Mais Abimael Guzmán, au cours de ses trois décennies en prison avant sa disparition, a toujours nié tout lien avec le trafic de drogue, se démarquant des restes de son mouvement.

Plants de coca dans le district de Vizcatán del Ene, en septembre 2021. AFP – ERNESTO BENAVIDES

La région de Vizcatán est surveillée depuis plus de deux décennies. En janvier 2021, le numéro deux des restes du Sentier sur place est mort. Il s’appelait Jorge Quispe Palomino, dit « Camarade Raul », et faisait partie de la direction du comité central de son frère Víctor Quispe Palomino, alias « José ».

Les restes, dirigés par José, opèrent toujours dans ce qui constitue la plus grande vallée de coca du Pérou. Les autorités ont pu avancer par le passé que la lutte armée pouvait encore compter quelque 350 membres, dont peut-être 80 armés sous le commandement des Quispe Palomino.

Le spectre de la guérilla

Le pays est un important producteur mondial de feuilles de coca, mais aussi de cocaïne. Au premier trimestre 2022, les autorités y ont éradiqué plus de 10 000 hectares de cultures illégales, selon la Commission nationale du gouvernement pour le développement et la vie sans drogue (Devida).

Selon la commission, les superficies cultivées en coca atteignaient 54 655 hectares en 2019, puis 61 777 en 2020. 90% des 120 000 tonnes de feuilles de coca cultivées chaque année seraient utilisées pour le trafic de drogue. Le Pérou produirait quelque 400 tonnes par an.

« La demande internationale de cocaïne ne cesse d’augmenter et c’est l’épée de Damoclès qui détruit l’Amazonie de nos pays », considère Ricardo Soberón, le chef de Devida. L’Europe et l’Amérique du Nord utilisent les lieux « comme espace de transit, de flux et d’exportation », ajoute-t-il.

Tandis que le gouvernement accuse les combattants issus de la guérilla d’assurer la protection des narcotrafiquants du Pérou, pour les paysans, le problème reste toujours le même : ils se disent abandonnés, et expliquent n’avoir d’autre choix que de cultiver la coca pour la revendre aux narcos. (…)

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