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Raison sanitaire ou déraison politique ? Le Venezuela et le monde à l’heure du SARS-CoV-2 (Olivier Compagnon / Institut des Amériques)

Les deux premiers cas de Covid-19 au Venezuela ont été recensés le 13 mars 2020 et il y avait, selon les données rendues publiques par le ministère de la Communication et de l’Information et reprises par la Johns Hopkins University, environ 200 cas – et seulement 9 morts – à la date du 16 avril. Soit 0,67 cas pour 100 000 habitants, loin des chiffres infiniment plus élevés affichés par certains pays de la région comme la Colombie (6,2), le Brésil (13,8) ou l’Équateur (46,2).

Si les derniers thuriféraires du régime de Nicolás Maduro pourront y voir l’efficacité de la stratégie de confinement mise en place à partir du 15 mars et drastiquement encadrée par la police et les forces armées depuis, voire du dispositif d’« hôpitaux sentinelles » décrété dès le 12 mars contre le virus, ces données ne signifient en réalité pas grand-chose dans la mesure où, indépendamment de l’hypothèse selon laquelle le gouvernement masquerait l’ampleur réelle de la pandémie, l’État vénézuélien est en faillite et n’a ni les moyens d’une politique de tests généralisés ni les capacités administratives d’un comptage quotidien exhaustif.

Nombre de cas au Venezuela
(source Worldometer)

Cette crise sanitaire survient en effet dans un contexte économique et social dramatique. Depuis le milieu des années 2010 qui marque la fin du commodities boom et l’effondrement du prix du baril de pétrole brut produit au sein de l’OPEP (109,45 dollars en 2012, 40,68 en 2016), le produit intérieur brut vénézuélien a dévissé de plus de 50% tandis que l’inflation atteint des niveaux stratosphériques. Les réels investissements sanitaires qui avaient été effectués durant les années Chávez (1999-2013), permettant notamment de transformer le rapport à la santé des populations les plus démunies grâce à la mise en place de dispensaires de proximité, font désormais partie de l’histoire et le système hospitalier public – comme tant d’autres secteurs – est à l’agonie faute des ressources issues de la manne pétrolière, mais aussi en raison des sanctions économiques qui pèsent sur le pays depuis 2015 et qui ont été considérablement durcies (de la part des États-Unis, mais aussi de l’Union européenne et du Canada) après l’auto-proclamation de Juan Guaidó comme président en janvier 2019. (…)

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Olivier Compagnon est professeur d’histoire contemporaine à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine (Université Sorbonne Nouvelle), UMR CREDA.

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