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COLOMBIE

DES ÉLECTIONS SANS SURPRISE

Dauphin du président sortant Alvaro Uribe Velez, Juan Manuel Santos a remporté le
deuxième tour de l’élection présidentielle du 20 juin en Colombie avec 68,9% des voix
contre 27% pour son adversaire Antanas Mockus. Angelino Garzón, ancien secrétaire
général de la principale centrale syndicale (la CUT) et ex-gouverneur du Cauca a été élu
vice-président*. M. Santos s’est fait élire en reprenant le discours uribiste d’intransi-
geance et de politique guerrière à l’égard des Farc.

La campagne de Juan Manuel Santos était            le résultat était donc attendu.
orientée sur la constitution d’un gouverne-        La candidature de Mockus**, co-fondateur
ment d’unité nationale avec comme priorité         du Parti vert avec deux autres anciens mai-
la croissance économique et la lutte contre        res de Bogota, a bénéficié d’un large bat-
la pauvreté, sous le slogan de « la prospérité     tage des médias dominants en Colombie
démocratique ». Entre les deux tours, toute        qui ont réussi ainsi à ancrer l’idée au plan
la droite va se rassembler : Germán Vargas         national et international que la Colombie
Lleras (Changement radical), Noemí Sanín           était un modèle de démocratie, permet-
(Parti conservateur) et la quasi-totalité des      tant l’émergence d’un outsider, qualifié
élus du Parti libéral, à l’exception notable       hâtivement de gauche et d’écologiste. Or
du candidat à la présidence Rafael Pardo et        Santos est tout sauf étranger à ces mé-
de la sénatrice Piedad Córdoba, apportent          dias, il est le fils du fondateur du journal
leur soutien à Santos. La gauche avait ap-         El Tiempo et son cousin dirige la rédac-
pelé à une abstention active au deuxième           tion de l’hebdomadaire le plus important
tour, celle-ci, de 6 % supérieure à celle de       du pays, Semana. Le discours confus de
2006 a été de 57 %.                                Mockus, à la fois héritier de la politique de
Si la continuité de la politique menée par         sécurité d’Uribe et partisan d’une rupture
Uribe, en particulier la politique de « sécu-      sociétale et légaliste aux contours flous, a
rité démocratique » et la forte croissance         néanmoins convaincu puisqu’il a recueilli
économique, a été indéniablement plébis-           21,51 % des voix au 1er tour, séduisant un
citée par les classes moyennes et urbaines,        électorat urbain et centriste.
la gauche à travers le Pôle Démocratique           En dehors des interventions permanentes
Alternatif (PDA) et la candidature du social       d’Uribe en faveur de son dauphin, et de
démocrate Gustavo Petro, méconnu du                la visite opportune de la Secrétaire d’Etat
grand public, n’a pour le moins pas réussi à       états-unienne Hillary Clinton entre les
convaincre son électorat traditionnel d’une        deux tours, cette campagne aura révélé
volonté de politique de rupture avec le ré-        une fois de plus le déficit démocratique
gime en place. Elle n’a recueilli que 9% au        en Colombie et la pénétration des struc-
1er tour, perdant ainsi sa place de deuxième       tures politico-maffieuses dans les institu-
force politique du pays. Pourtant la discipli-     tions colombiennes.
ne de parti a favorablement joué en faveur         Pour faire élire Santos, plusieurs program-
de Petro. On est bien loin des 22% recueillis      mes gouvernementaux d’aide sociale ont
par son candidat Carlos Gaviria en 2006 et à       été instrumentalisés par la coalition sor-
l’évidence du contenu de son programme,            tante, particulièrement en zone rurale et

* Un ralliement dont les motivations demeurent obscures et dont l’évocation à gauche provoque un silence gêné.
** Appuyé par la Coordination mondiale des partis verts à dix jours du premier tour.
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