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Mais sans aucun doute le problème crucial a été et
reste la question agraire. Malgré les tentatives de
diversifier l’économie historiquement basée sur l’ex-
ploitation des ressources primaires et de l’agro-ex-
portation, la terre reste la clef du développement. Là
encore, l’accumulation capitaliste a été réalisée par
la violence des armes et les abus. Selon les accusa-
tions de la Commission Justice et Vérité, quelques 8
millions d’hectares de terres (19% du pays) de terres
« mal acquises » de l’Etat ont été volées, ou attribuées
de manière frauduleuse ou clientéliste sous la dicta-
ture de Stroessner (et jusqu’en 2003) à des militaires,
des hommes politiques amis, des ex-présidents, des
grands propriétaires, etc. Des terres que le gouverne-
ment de Lugo était en train de récupérer.
En outre, entre 2006 et 2010, avec le développement
de la culture du soja, de nombreux groupes agro-ali-
mentaires brésiliens, français, allemands, portugais,
espagnols et japonais ont acheté près de 1,8 million
d’hectares, et entre 9 et 10 millions ces 2 dernières
années. Depuis 2008, il a été fait bien peu dans le
domaine décisif de la réforme agraire, réclamée avec
force par les « sans terre » et les petits paysans. 2% de
la population contrôle 80% des terres fertiles, alors
que les petits propriétaires (40% de la population)
n’en contrôlent que 5% et que 30% de la population
rurale est sans terre.
Parmi les ombres de la gestion de Lugo, il faut noter
l’approbation de la Loi Antiterroriste, impulsée par
les Etats-Unis après le 11 septembre, et utilisée pour
criminaliser les mouvements sociaux, et particulière-
ment le mouvement paysan. Ces dernières années la
présence militaire colombienne pour l’entraînement
des Forces Armées paraguayennes dans la lutte contre
« les trafiquants de drogue et les terroristes » a beau-
coup augmenté. En 2010, Lugo a autorisé l’ « Initiative
Zone Nord », c’est-à-dire l’installation de troupes et de
civils étasuniens au nord de la Région Orientale, à la
frontière avec le Brésil. Il est vrai que dès mai 2005,
avant l’élection de Lugo, le Parlement même avait
autorisé l’entrée de troupes étasuniennes.
Une autre nouvelle passée presque inaperçue : au
moment du Coup d’Etat une mission de généraux
étasuniens est allée à Asunción pour rencontrer des
parlementaires (liés à l’ancienne dictature) de la Com-
mission de Défense du Parlement, pour discuter de la
possibilité d’installer des nouvelles bases des Etats-
Unis au Paraguay.
En 2009, Lugo s’est opposé aux grandes manœuvres
militaires du Commando Sud au Paraguay mais, en
réalité, les troupes ne sont jamais sorties du terri-
toire. Quand le dictateur Stroessner a été démis par
« ses amis », par un Coup d’Etat en février 2009, les
militaires qui avaient été les protagonistes directes
de la longue dictature sont restés au pouvoir. Grâce
à des accords signés à l’époque, le pays a perdu le
droit d’enquêter sur les délits commis par les troupes
étrangères, et celui d’accuser Washington devant la
Cour Pénale Internationale, violant ainsi sa propre lé-
gislation.
La situation que vit la Paraguay se conjugue avec la
remilitarisation étasunienne sur tout le continent.
L’infrastructure étasunienne se renforce dans un pays
de grande importance géostratégique, limitrophe
avec la Bolivie, le Brésil et l’Argentine. Une présence
militaire qui hypothèque le contrôle de la nappe
aquifère Guarani, l’une des réserves d’eau potable les
plus grandes du monde, à la « Triple Frontière » entre
la Paraguay, l’Argentine et le Brésil.
Le Vatican du côté des factieux
Le Vatican s’est aligné sur les positions du Canada,
de l’Espagne, de Taïwan et de l’Allemagne en faveur
du nouveau gouvernement issu du Coup d’Etat, et le
Nonce Apostolique a conseillé à Lugo de se mettre
sur la touche et d’accepter la farce grotesque.
Au contraire, l’UNASUR, le MERCOSUR, la CELAC et
les pays de l’ALBA ont immédiatement condamné le
« procès politique » contre le président Fernando Lugo,
en isolant les factieux sur le continent. Dans les jours
qui suivirent, aussi bien le MERCOSUR que l’UNASUR
ont exclu le Paraguay des alliances régionales corres-
pondantes. Même les gouvernements de droite (la
Colombie, le Chili et, paradoxalement le Honduras
même), ont pris leurs distances avec le Coup d’Etat.
Au Paraguay, le soutien social de Lugo est varié, il est
fait de mouvements sociaux et de nombreuses orga-
nisations de gauche, et ce n’est qu’en mars 2010 qu’ils
se sont regroupés dans le Front Guasù (Front Ample
en langue Guarani), unissant ainsi un panel d’orga-
nisations. Avec une assise sociale faible, sans force
organisée dans la rue ni au Parlement, la gestion de
Lugo s’est caractérisée par de bonnes intentions,
l’inefficacité et beaucoup de naïveté. Et la gauche di-
visée a trouvé beaucoup trop tard une cohésion pour
déployer une masse critique suffisante pour arrêter
les forces factieuses. Aujourd’hui, la résistance aux
forces du Coup d’Etat se réorganise sous une nouvel-
le forme et encourage les manifestations populaires
dans tout le pays.
En 2013, au Paraguay, il devrait y avoir de nouvelles
élections. Pour le moment il semble difficile que la si-
tuation retrouve la « normalité » qu’elle avait avant le
coup-parlementaire. Sans aucun doute les Etats-Unis
et leurs alliés feront l’impossible pour stopper toute
transformation radicale progressiste dans leur « ar-
rière-cour ».
Marco CONSOLO
Traduction : Colette Casado (FAL)