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EDITORIAL

       CONFLIT EN COLOMBIE : « UNE TABLE ET DEUX CHAISES »

France Amérique Latine s’attache depuis sa création à identifier les alliances et les voies qui
peuvent aider à soulager les souffrances du peuple colombien qui vit depuis plus de 50 ans un
conflit qui, loin de faiblir en intensité, se renforce, avec pour conséquence plus de 3,8 millions
de déplacés internes et 1 million d’exilés. Une crise humanitaire majeure qui se classe juste
derrière celle du Soudan. Ce dossier consacré au conflit colombien propose des clefs pour une
autre information et des jalons destinés à nourrir la réflexion sur nos interventions.

Depuis des semaines, et notamment avec les révélations du chef paramilitaire Salvatore
Mancuso, les liens entre des paramilitaires et des entreprises multinationales mais aussi des
politiciens de haut rang, dont l’actuel vice-président, sont dévoilés publiquement.
À Washington, les parlementaires démocrates ont bloqué 55 millions de dollars destinés à l’aide
militaire à la Colombie dans l’attente d’explications du Département d’État sur les violations
des Droits de l’Homme. Le Traité de libre commerce et le Plan Colombie sont aujourd’hui
paralysés. L’image des charniers découverts au Putumayo, emplis de corps découpés en
morceaux, a visiblement fait du gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez, ami des paramilitaires,
un « allié » infréquentable.
Alors que la Colombie a toujours été considérée comme immergée dans une crise des Droits
de l’Homme permanente, la politique de « Sécurité Démocratique » du président colombien
l’a approfondie,optant pour la participation civile aux tâches de lutte contre-insurrectionnelle.
L’impunité est sortie renforcée des négociations avec les groupes paramilitaires qui restent
actifs sous de nouvelles appellations et demeurent une menace permanente pour toute
personne porteuse d’une analyse critique de la réalité sociale du pays.

« Une table et deux chaises », c’est ce que ne cessent de marteler nos partenaires colombiens
comme seule solution acceptable pour discuter de l’échange humanitaire de prisonniers
permettant la libération des otages dont celle d’Ingrid Betancourt. Pour cela, il faudrait que le
gouvernement accepte de reconnaître le conflit et cesse de déjouer les efforts nationaux et
internationaux en faveur de la paix. On en est loin, Alvaro Uribe réfute les propositions de la
France, de l’Espagne et de la Suisse en faveur de l’instauration d’un dialogue équilibré entre
les forces en présence : gouvernement et FARC, pour la conclusion d’un échange humanitaire.
Le président colombien continue de défendre envers et contre tous une option armée,
irresponsable, comme l’a tragiquement montré l’intervention pour libérer les 12 députés
provinciaux del Valle, otages des FARC, qui s’est manifestement soldée par la mort de 11 d’entre eux
dans des circonstances qu’il reste à éclaircir. Des réformes sociales et démocratiques de fond
seraient bien plus efficaces pour sortir de la guerre.

La dernière Assemblée générale de France Amérique Latine a réaffirmé la priorité donnée
à la Colombie dans nos interventions au niveau national et régional, notre association
a depuis redoublé d’efforts pour sensibiliser l’opinion publique en France sur la réalité du
conflit colombien. Nous avons reçu régulièrement des dirigeants sociaux, des syndicalistes,
des défenseurs des Droits de l’Homme et des personnalités politiques colombiennes. Nous
restons mobilisés. D’ores et déjà de nouvelles initiatives sont prévues à la rentrée dans le cadre
de notre campagne « Une autre Colombie est possible dans la paix et la justice sociale ».

                                                                                                  Valérie Técher,
                                                            Membre du Bureau de France Amérique Latine

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