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ACTUALITES
ESPOIRS EN EQUATEUR EQUATEUR
LE PEUPLE TOURNE LE DOS À
LA « MODERNITÉ »
C’est à l’aune des succès des uns que l’on mesure les échecs des autres. Du © Loïc Colin et Vincent Petit
côté des succès, à l’International Herald Tribune, on trouve tout d’abord
le Pérou, « en bonne voie » puisqu’il applique à la lettre les bonnes vieilles
recettes du consensus de Washington. Mais, un peu au Nord, un autre
pays semble - après Cuba, le Venezuela et la Bolivie - avoir décidé de tour-
ner le dos à la « modernité » : l’Equateur. Un « échec économique » annoncé,
pour les experts… Mais, pour le peuple équatorien, un échec qui a tout
d’une victoire.
Alors que « les Péruviens crai- 1er mai dernier, le
gnaient que Garcia n’ait pas
appris la leçon », le nouveau président équa-
président du pays (élu en juin
2006) semble tout faire pour torien - élu en
effacer le souvenir tumultueux
de sa première présidence (de novembre 20064 -,
1985 à 1990): « réduction des
salaires des fonctionnaires », prenait, de son côté,
« privatisations », « soutien sans faille
au libre-échange et à l’ouverture la tête d’une mar-
économique ». L’International He-
rald Tribune, qui s’en émeut, ne che d’ouvriers à Qui-
sait plus où donner de la tête…
mais il garde toutefois un œil sur to. Un geste inédit
les priorités : avec une inflation –
dont on sait qu’elle a la fâcheuse de la part d’un chef
tendance de rogner les revenus
de la rente - contenue à 0,3%, le d’Etat en Equateur.
Président Garcia a su « gagner la
confiance des agences de nota- Devant des milliers de
tions »2. Le quotidien américain
peut être tranquille : la leçon a manifestants, Rafael
bien été apprise…
Correa en appelait Manifestation à Quito en novembre 2006 «Nous sommes primitifs»
Ce n’est pas le cas partout,
comme le soulignait Jorge à un « changement tique, et ne constitue guère une
Castañeda, ancien ministre des af- d’époque grâce à des gouver- « exclusivité équatorienne ». Il y est
faires étrangères du Mexique, qui nements souverains travaillant toutefois si exacerbé qu’on lui a
regrettait récemment que le dé- main dans la main avec la classe donné un nom :la « partidocratie ».
bat « entre une gauche moderne et ouvrière », rappelant ainsi que
un centre-droit libéral » ne soit pas
celui « qui s’impose aujourd’hui son élection ne suffirait pas Ce système, Michel Camdes-
en Amérique latine »3. En effet, le à mettre en œuvre la sus, ancien directeur du FMI, le
transformation sociale souhaitée définissait en ces termes : « une
par ceux qui souffrent des inéga- relation incestueuse entre ban-
lités… la majorité. quiers, groupes de pressions poli-
L’Etat équatorien – son adminis- tico-financiers et fonctionnaires
tration, ses fonctionnaires, ses corrompus »5. Ce système, c’est,
institutions, sa bureaucratie - loin par exemple, celui qui permet à
d’être le siège de la souveraineté 173 familles de détenir plus d’un
populaire,a depuis longtemps été tiers des terres cultivées du pays6
mis au service de la domination ou - comme l’explique Raúl Zi-
des élites économiques et politi- bechi aux « 17 groupes économi-
ques (qui se confondent bien sou- ques les plus importants du pays
vent). Le phénomène est connu, y (…) dont les revenus s’élèvent à
compris de ce côté-ci de l’Atlan- cinq milliards de dollars - 14% du
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