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Le conflit en chiffres                         fugiés colombiens, soit au moins la moitié du nombre
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        3,8 millions de déplacés internes                 une protection internationale. A l’échelle du Sucum-
                                                          bios, cela signifie qu’il y aurait en réalité entre 35 000
        (Conseil norvégien pour les réfugiés,avril 2007)  et 60 000 réfugiés colombiens,alors que la population
                                                          équatorienne de la province est de 160 000 habitants.
l’une des principales portes d’entrée pour les Colom-
biens fuyant en Equateur.                                 Il n’y a pas de camps de réfugiés à Lago Agrio. L’in-
                                                          visibilité des réfugiés colombiens est dès lors un
De l’autre coté du fleuve Putumayo qui fait office de       problème plus important que leur simple présence
frontière internationale, le sud amazonien de la Co-      en Equateur. D’une part, parce que l’Etat équatorien
lombie vit dans un état de guerre permanent. Cette        continue malgré les vicissitudes de sa vie politique et
zone, riche en matières premières (pétrole, bois pré-     les répercussions négatives de la guerre en Colom-
cieux, champs de coca) est, depuis les années quatre      bie à être ouvert aux personnes cherchant refuge sur
vingt dix, l’une des régions les plus belligènes et con-  son sol. Et d’autre part, parce que le problème ma-
voitées de Colombie. Les affrontements quotidiens         jeur que pose cette invisibilité est que de nombreux
entre FARC et armée régulière, relayée avantageuse-       Colombiens vivent clandestinement en Equateur et
ment dans le Putumayo par les paramilitaires d’ex-        qu’ils n’ont dès lors aucun droit, aucune protection
trême droite, produisent des flots ininterrompus de        juridique, aucune garantie de ne pas être reconduit
réfugiés en direction de l’Equateur. Le conflit entraîne   en Colombie, aucune possibilité de s’intégrer légale-
les déplacements limités mais continus de popula-         ment dans le pays, aucun accès aux services publics
tions aussi bien à l’intérieur du pays qu’en direction    et qu’ils demeurent de fait un groupe marginalisé,
des pays limitrophes, la moyenne étant de 1000 per-       fragilisé, vulnérable, vivant continuellement dans la
sonnes déplacées par jour depuis l’an 2000.               peur et l’incertitude.
Il est très rare que des exodes massifs se produisent
car les fuites sont souvent le résultat de menaces à      Les tensions montent à Lago Agrio entre Equato-
l’encontre d’individus isolés ou de familles, de com-     riens et réfugiés sur fond de xénophobie et de peur
bats sporadiques et non d’attaques massives.              de colombianisation de la zone. Depuis que le conflit
                                                          s’est trouvé redynamisé dans le sud amazonien, Lago
Il est dès lors impressionnant qu’en l’espace de vingt    Agrio est devenu une véritable « Sin City », vivant au
ans le conflit colombien ait pu produire quelques          rythme des assassinats et des trafics transfrontaliers
3 millions et demi de déplacés internes, auxquels         en tous genres (drogue, contrebande, prostitution). Il
s’ajoutent environ un million de réfugiés. Ceci devrait   est certain que la présence de plusieurs dizaines de
suffir à prouver que cette crise doit être considérée      milliers de réfugiés clandestins au Sucumbios favori-
comme une véritable catastrophe humanitaire appe-         se les activités illégales et le débordement du conflit
lant une mobilisation internationale forte aussi bien     en direction de l’Equateur. Mais le cercle vicieux de
en direction de l’Etat colombien que de ses voisins,      l’exclusion, de la clandestinité et de la pauvreté qui
réticents à prendre en compte ces popula-                 touche les réfugiés colombiens en est le principal
tions démunies et fragilisées.
                                                                Fleuve Putumayo, regard sur la rive colombienne
A Lago Agrio, le conflit colombien est une
réalité d’autant plus palpable que la ville est
un concentré de ce que l’internationalisa-
tion de la guerre produit de pire en terme
de déstabilisation, de violence et de trafics.
Le nombre de réfugiés colombiens (ayant le
statut ou le demandant officiellement) dans
la province de Sucumbios est en 2005 de
4 965 personnes (sur les 36 665 que totalise
le pays). Cependant, l’Equateur reconnaît
que la population colombienne présente
sur son territoire nécessitant une protection
internationale s’élèverait en fait à 250 000
personnes. Ce chiffre est lui-même vraisem-
blablement très sous-évalué et la réalité se-
rait plutôt de l’ordre d’un demi million de ré-

                                                                                                                                                                             © Martin Morand

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