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Le Mexique : Exception politique
en Amérique latine ?

Le Mexique, 2ème pays le plus peuplé d’Amérique latine et une des principales économies dites
émergentes, devra choisir son nouveau président le 1er juillet de cette année. Seront également re-
nouvelés la totalité des 500 sièges de la chambre des députés et les 128 postes de sénateurs. Douze
ans après la défaite du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), l’ « alternance » au gouvernement,
représentée par le parti conservateur PAN (Parti d’Action Nationale), ne semble pas seulement épui-
sée, tout comme l’est le système des partis mexicains, mais exhibe aussi de manière brutale la longue
et persistante décomposition d’un régime politique qui se refuse de mourir. Cette dérive a un coût
énorme pour la société. Néanmoins, cela dépend bien d’elle que les choses changent.

Felipe Calderón, deuxième président du PAN, est 60 000 morts que la dénommée « guerre contre
arrivé au pouvoir en décembre 2006 en promet- le narcotrafic » a engendré, est le plus choquant.
tant des changements substantiels dans l’écono- Mais il y a également une autre longue et doulou-
mie (« Je serai le président de l’emploi »), dans le reuse liste de chiffres qui parle à elle seule de la
social (« Mon gouvernement promouvra la justice force destructrice que la société a dû affronter.
et l’égalité ») et dans la politique (« Je serai le prési- Jusqu’en janvier 2012, 4 419 femmes et enfants
dent de la démocratie »). Sur le point de terminer victimes d’assassinats avaient été enregistrés, une
son mandat, le verdict est éloquent : une grande hausse du féminicide sans parallèle dans l’his-
partie des mexicains pensent qu’il faut revenir toire du pays. L’ONU chiffre à plus de 220 000 les
à un gouvernement du PRI pour que les choses personnes déplacées à cause de la violence. Près
avancent ! Douze ans de gouvernement du PAN d’un quart du territoire national a été octroyé à
auront suffi pour que beaucoup de gens se ren- quelques 250 entreprises minières transnationa-
dent compte de la supercherie. Le problème est les, essentiellement des Etats-Unis, du Canada,
que les autres choix de partis n’offrent pas non du Royaume-Uni, du Luxembourg, et ce malgré
plus une alternative de changement véritable. l’opposition des populations locales touchées. Au
cours des 10 dernières années (gouvernements
Récession économique, de Vicente Fox et de Felipe Calderón), le Mexique
décomposition politique et violence sociale a atteint le 3ème rang des pays latino-américains
Au cours des six années de gouvernement de Cal- comptant le plus grand nombre de citoyens pri-
derón, le nombre de pauvres a augmenté de 3,2 vés de liberté (juste après le Panamá et le Chili).
millions de personnes ; plus d’un cinquième des S’il faut parler d’une guerre, c’est de celle que le
travailleurs n’ont pas la possibilité de s’acheter le gouvernement de Felipe Calderón Hinojosa a
panier de produits de première nécessité avec le menée contre la société mexicaine et les mouve-
salaire de leur travail ; selon l’OCDE, « une forte ments sociaux.
augmentation de la proportion de la population en
âge de travailler dans l’emploi informel » a été en- Le triangle du pouvoir factuel
registrée, de sorte que ce genre d’activité repré- Avec une légitimité questionnée même avant
sente désormais 63% de l’emploi total. Avancer d’assumer la présidence, vues les évidences de
l’argument que la population va mieux qu’il y a fraude électorale contre Manuel López Obrador
12 ans est grotesque. A la fin du second mandat (candidat du PRD en 2006, et maintenant aussi),
du PAN, le pays comptabilisera 60 millions de per- Calderón s’appuie pour gouverner sur une triade
sonnes en situation de pauvreté ! de pouvoirs politiques factuels, qui dictent les
Dans le domaine du social, la plupart des para- principales règles avec lesquelles le gouverne-
mètres sont non seulement négatifs, mais dans ment agit. L’Armée, l’Eglise et les Médias, en parti-
de nombreux cas, ils justifieraient aussi un procès culier la télévision.
politico-social contre le gouvernement. De par A peine arrivé à la tête de l’Etat, Calderón a fait
son amplitude scandaleuse, le solde de plus de appel à l’armée, pas uniquement pour déclarer sa