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EDITORIAL

              1er TRIMESTRE 2013 : L’AMÉRIQUE LATINE SOUS LES FEUX DE L’ACTUALITÉ…
C’est dans un silence assourdissant des médias que s’est tenu en janvier, à Santiago du Chili, le 5ème « Sommet des
peuples d’Amérique latine, de la Caraïbe et d’Europe : pour la justice sociale, la solidarité internationale et la sou-
veraineté du peuple ». Les autorités et la majorité des journalistes ont ignoré l’évènement et n’ont commenté ni le
contenu du forum des peuples ni la grève de la faim des prisonniers politiques mapuche. Pourtant, des centaines
d’organisations sociales et de défense des droits humains étaient présentes pour demander au gouvernement
chilien de rendre enfin justice aux communautés indigènes et pour montrer au monde, et particulièrement aux
pays d’Europe qui font payer la crise aux populations, qu’un autre monde est possible et qu’il est nécessaire de
construire ensemble un nouveau modèle de société. Ce numéro de FAL Mag revient de manière détaillée sur ce
sommet qui s’est ouvert par une cérémonie en souvenir de Salvador Allende, alors que notre association se pré-
pare à célébrer de la manière la plus combative et unitaire possible le 40ème anniversaire des dictatures chilienne
et uruguayenne.
Le 5 mars, nous apprenions la disparition d’Hugo Chávez : cette information déclencha immédiatement la mani-
pulation médiatique habituelle et le matraquage de contre vérités et de caricatures qui s’était déchaîné lors des
dernières élections. En Europe et aux Etats-Unis, la plupart des journalistes, commentateurs, « experts », responsa-
bles politiques, ont rivalisé d’ignorance crasse, de calomnies haineuses et de jugements méprisants, en décalage
complet avec l’hommage rendu par les dirigeants latino-américains présents à Caracas et l’émotion des millions
de Vénézuéliens venus de tout le pays pour saluer une dernière fois le président à qui ils avaient renouvelé leur
confiance en octobre. Notre association ne croit pas que le destin d’un pays soit uniquement lié à la figure d’un
leader providentiel, aussi charismatique soit-il, mais il est indéniable qu’il s’agit là d’une perte importante pour
le gouvernement de la République Bolivarienne et pour son peuple, auxquels France Amérique Latine s’est em-
pressée d’adresser le témoignage de sa sympathie et de sa solidarité. Dès l’annonce du décès d’Hugo Chávez,
nous avons tenu à honorer la mémoire de celui qui symbolisa un temps nouveau de l’histoire du Venezuela et de
l’Amérique latine. En effet- et nous l’avons montré dans un récent FAL Mag- même si beaucoup reste encore à faire,
Hugo Chávez a promu, dans son pays, une politique de redistribution des richesses, de plus grande justice sociale
et de dynamisme de la vie démocratique. Au niveau du continent, il a été l’un des piliers de l’intégration latino-
américaine et de la lutte contre la dépendance et le néolibéralisme par la création d’organisations internationales
telles que l’ALBA, la Banque du Sud, l’UNASUR et la CELAC, autant d’entités fondées sur une conception solidaire
des relations économiques et diplomatiques et destinées à favoriser la conquête d’une souveraineté pleine et
entière des peuples. Le Venezuela a une place à part sur le continent : ce pays est à la pointe de la recherche d’un
projet alternatif de société, la vie politique s’intensifie et de plus en plus de citoyens s’y engagent ; nous faisons
donc confiance au peuple et aux mouvements sociaux de ce pays pour continuer, après Chávez, à écrire leur futur,
à consolider les progrès engagés et à approfondir la Révolution Bolivarienne.
Quelques jours plus tard, l’Amérique latine était de nouveau sous les feux de l’actualité, cette fois sous les traits
d’un Pape argentin. Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, devenait le premier Pape latino-amé-
ricain. Ce Pape devra relever le défi évangéliste, mais il sera aussi amené à se positionner quant à l’avenir de
l’Amérique latine, au moment où celle-ci expérimente de nouvelles voies économiques, politiques et sociales.
Peut-on espérer que sa nationalité l’incite à soutenir au Vatican, les transformations en cours sur son continent ?
On peut en douter car c’est un ecclésiastique au passé controversé pour son rôle pendant la dictature des années
1976/1983. Il fut en effet un membre éminent d’une Eglise argentine contestée pour sa passivité lors de cette
période sombre, voire pour sa complicité avec une répression qui s’est soldée par plus de 30 000 disparus, parmi
lesquels des religieux, essentiellement partisans de la Théologie de la Libération. Le Pape François s’est également
distingué par ses engagements conservateurs et conformes à une conception traditionnelle de l’Eglise.
Il a, à plusieurs reprises, endossé un rôle très politique en refusant toute évolution de la société et en s’opposant
au mariage gay, au droit à l’avortement, à la contraception. Son élection comme Pape n’est donc pas neutre et
n’augure pas de changement majeur dans les décisions de la hiérarchie catholique.
L’Amérique latine a donc fait couler beaucoup d’encre en ce début d’année 2013 !
Nous ne manquerons pas de revenir, dans un prochain numéro, en prenant le temps de l’analyse, sur les derniers
évènements qui ont secoué les medias. Pour l’heure, ce FAL Mag se penche sur des problématiques qui ont beau-
coup moins les honneurs de la presse française mais n’en sont pas moins décisives pour l’avenir des peuples du
continent, en particulier du peuple péruvien auquel nous avons choisi de consacrer notre dossier.

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                                                           Directeur de FAL MAG - Secrétaire général de France Amérique Latine

                                                                                                                             Cathy FERRÉ
                                                                                         Membre du Bureau National - FAL Marseille
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