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EDITORIAL

          LES PEUPLES LATINO-AMÉRICAINS CONTINUENT Á ÉCRIRE LEUR AVENIR !

Tourner la page des dictatures ne veut pas dire tourner la page de la vérité.
Ce dossier sur l’Uruguay est le témoignage, 40 ans après les dictatures chiliennes et uruguayennes, que
l’histoire s’écrit par les peuples. Malgré la volonté des Forces armées de maintenir le silence sur leurs
crimes pendant la dictature, malgré le fait que la grande majorité de leurs auteurs continue de circuler
librement dans la société uruguayenne, malgré le déshonneur d’une majorité de la Cour Suprême de
Justice d’ignorer le droit international et la douleur des familles, des voix de plus en plus nombreuses en
Uruguay comme partout en Amérique latine, exigent vérité et justice.
Les peuples veulent imposer la vérité sur les crimes contre les Droits de l’Homme, mais aussi sur les
crimes contre la vie sociale et économique. L’accaparement des richesses, l’imposition comme au Chili
d’une société ultralibérale, le détournement de la volonté populaire par des constitutions privant les
peuples de leurs aspirations, provoquent des colères qui s’expriment dans toute l’Amérique latine.
Du Pérou au Brésil, en passant par le Chili ou le Honduras, la volonté populaire trouve des formes diver-
ses, au regard des espaces qu’elle peut s’approprier.
Ce numéro en donne quelques exemples, et de ce point de vue l’été 2013 est un bel écho à cette com-
mémoration des « 40 ans après ! » qu’organisent France Amérique Latine, l’association ¿ Dónde están ?
et l’association d’ex-prisonniers politiques chiliens (AEXPPCH).
Le Brésil en est un témoignage particulier, ce géant latino-américain a connu ces derniers mois un mou-
vement de protestations d’une force exceptionnelle, une marée que personne n’avait annoncée, et qui
rassembla les nouvelles couches moyennes victimes des politiques libérales et une jeunesse qui n’a pas
connu les mouvements des années 90, et qui désire le changement.
Au Brésil comme ailleurs, ce changement exige une nouvelle constitution, pour tourner vraiment la
page des années de dictatures.
Comme le dit si bien, João Pedro Stedile, « la seule sortie politique à court terme est la lutte pour la convo-
cation d’une assemblée constituante afin de promouvoir des réformes politiques qui ouvriront l’espace aux
nécessaires réformes structurelles ». Le Mouvement des Sans Terre (MST), présent sur le stand de FAL à la
Fête de l’Humanité, a décidé d’engager, entre septembre et novembre, une consultation populaire sur la
convocation d’une constituante en 2014, parallèlement à la tenue des élections politiques nationales.
Il faut poursuivre l’analyse de ces événements brésiliens, qui par les grandes mobilisations qui ont eu
lieu en juin sont extrêmement positifs pour tous les peuples latino-américains à l’image des lycéens et
étudiants chiliens qui n’ont rien lâché. Ici et là-bas, la jeunesse rebat les cartes de la politique institu-
tionnelle et rompt avec l’apathie de la politique de conciliation de classe, dans laquelle soi-disant tout
le monde serait gagnant. Ce réveil d’une citoyenneté politique, on se met à espérer qu’il gagne aussi
notre pays et l’Europe, victime de la même stratégie libérale, à l’image des mouvements sociaux du
Portugal, de Grèce et d’Espagne.

                                                                                                              Fabien Cohen,
                                                                                                  Secrétaire général de FAL
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