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Il faut enfin s’interroger sur le rôle et la place .............................………………………………………………………................... Venezuela :
de l’armée au Mexique. En six mois, trois graves assassinat d’un jeune dirigeant bolivarien
« bavures » posent des questions sur le rôle et la
position des Forces Armées du Mexique. « L’armée et de sa compagne
obéit aux ordres », a affirmé le ministre de la Jus-
tice, il y a quelques semaines. Robert Serra, le plus jeune député de l’Assemblée Na-
Qui donc, le 30 juin à Tlatlaya, a donné, à des sol- tionale, membre du Parti Socialiste Uni du Venezuela
dats, accompagnés d’un officier, l’ordre d’exécu- (PSUV), considéré comme l’un des dirigeants les plus
ter 22 jeunes désarmés ? prometteurs de la Révolution Bolivarienne, et sa com-
Une affaire que l’armée a tenté de couvrir pen- pagne, María Herrera, ont été assassinés pendant la
dant plusieurs semaines… Qui, à Iguala, a donné nuit du 1er au 2 octobre, dans leur logement du quar-
l’ordre de ne pas intervenir à l’armée alors qu’elle tier populaire de La Pastora, à Caracas, au cours d’une
était présente ? Un colonel du 27ème bataillon opération minutieusement préparée.
d’Iguala, en poste depuis 2011, qui honorait de La presse occidentale, pourtant prompte à faire ses
sa présence la fête du maire, n’a rien vu, rien en- grands titres sur l’insécurité de Caracas, s’est montrée
tendu, ne savait rien des fosses clandestines re- particulièrement discrète sur ce crime. Sans doute
trouvées tout autour de la ville, pas plus que du faut-il mette ce silence en rapport avec l’engagement
trafic de gomme d’opium, richesse de la région, politique des victimes et l’identité des meurtriers, en
qu’il était censé combattre. Plus récemment, qui relation étroite avec des groupes paramilitaires co-
a donné l’ordre à des soldats de la XIème région lombiens. Plusieurs exécutants et commanditaires ont
militaire de Torréon de pénétrer, en armes, dans déjà été arrêtés et Leiva Padilla, alias « El Colombia »,
l’Université autonome de Coahuila, cherchant à le paramilitaire qui a dirigé l’assassinat, capturé à Car-
identifier les enseignants et étudiants ayant par- tagena début novembre, devrait être prochainement
ticipé aux manifestations pour « Ayotzi » ? extradé au Venezuela.
L’affaire d’Iguala ne fait que commencer. Pour le secrétaire général de l’Union des Nations
Sud-Américaines (UNASUR), « l’assassinat de Serra est
Françoise ESCARPIT un signal préoccupant de l’infiltration du paramili-
Journaliste tarisme colombien au Venezuela ». C’est un exemple
supplémentaire des tentatives de déstabilisation aux-
La répression des mouvements étudiants : quelles le processus bolivarien doit faire face. Pendant
une sinistre tradition au Mexique. les trois jours de deuil national, des milliers de véné-
zuéliens ont rendu hommage à Robert Serra et à María
Un livre jusqu’alors inédit en langue française vient nous Herrera. Le président Nicolás Maduro a assuré que ce
rappeler que, en 1968, presque 50 ans avant les tragiques crime ne resterait pas impuni. L’ex-sénatrice colom-
évènements d’Iguala, au Mexique comme en Europe, une bienne et militante des droits humains Piedad Córdo-
jeunesse rebelle entrait en lutte dans l'espoir de changer ba a cité Neruda : « Ils peuvent couper toutes les fleurs,
le monde. Dix jours avant le début des Jeux olympiques ils ne pourront arrêter le printemps…».
de Mexico, sous les yeux de la presse internationale, l'ar-
mée assassina plusieurs centaines de manifestants. « Pour Le Conseil constitutionnel confirme
le Mexique, 1968 se résume à un seul nom, à une seule date: l’extradition de Mario Sandoval
Tlatelolco, 2 octobre. Le 2 octobre ne s’oublie pas ! » déclare
la grande écrivaine Elena Poniatowska, qui, dans ce livre Le 28 mai dernier, la Chambre de l’instruction de la
référence, édité pour la première fois en 1971, donne la Cour d’appel de Paris s’était prononcée en faveur de
parole à ceux qui ont vécu le drame. Des centaines de té- l’extradition de Mario Sandoval vers l’Argentine, où il
moignages, entrecoupés d'extraits de presse, de slogans, est poursuivi dans le cadre de l’enquête pour crimes
de discours, reconstruisent minutieusement la vérité his- contre l’humanité, privation de liberté et torture ayant
torique et affirment que, face à l’impunité d’hier et d’au- entraîné la mort, commis au sein de l’École de méca-
jourd’hui, les revendications de justice et de mémoire col- nique de l´Armée (ESMA). Le Juge Sergio Torres a émis
lective ne peuvent être réduites au silence. un mandat d’arrêt international contre Sandoval le 15
La nuit de Tlatelolco, histoires orales d’un massacre d’État. mars 2012, pour la disparition d’Hernan Abriatta, jeune
Elena Poniatowska. étudiant en architecture, le 30 octobre 1976.
Collection A l’ombre du Maguey, Editions CMDE La défense de Mario Sandoval avait alors invoqué l’in-
[email protected] constitutionnalité de l’article 696-4 du Code de procé-
328 pages, 25 euros. dure pénale – qui prévoit une exception à la règle de
non extradition par la France de ses ressortissants si le
9 demandeur n’avait pas la nationalité française au mo-
ment du crime. Selon la défense, cet article conduirait
à un traitement inégal des citoyens français.
Le 14 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a
confirmé que Mario Sandoval peut être extradé vers
l’Argentine et que cette extradition ne serait pas in-
constitutionnelle. Le 21 janvier prochain, la Cour de
Cassation réexaminera le recours, présenté par la dé-
fense de Sandoval.