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Que cache la classification du Honduras comme un
des pays les plus violents au monde ?
« Parfois, j’ai peur d’allumer mon ordinateur et de recevoir encore de mauvaises nouvelles
du Honduras, de lire qu’une autre personne que je connais, qu’un ou une autre ami(e) a
été menacé(e), harcelé(e), voire assassiné(e)». Voilà le triste aveu qu’une amie journaliste
allemande m’a fait parvenir à la suite de la tentative, à deux reprises dans la journée du 2
mai dernier, d’assassiner le journaliste hondurien Felix Molina.
Parmi le trop faible nombre de personnes qui, à la peur au ventre. Mais surtout, elle conforte
divers titres, suivent la situation au Honduras, les pousse-au-crime pour qui elle constitue la
la majorité partage sans doute ce sentiment. meilleure garantie d’impunité.
Mais celui-ci se double d’un certain agacement Certes, l’attentat contre Felix Molina donne lieu
à la lecture des articles ou déclarations qui, à bien des interrogations, tant les méthodes
lorsqu’ils daignent s’intéresser au pays, rappellent utilisées tendent à brouiller les pistes. Peu
sempiternellement que ce pays est classé comme après l’attaque, il commente : « Je me déclare un
un des plus violents au monde. Car la distinction survivant de l’insécurité dont souffre la majorité de
entre la violence produit de la délinquance ce pays […]1. ». Quelques jours après, dans un
commune – qui est une réalité indéniable – et la message manuscrit, il évoque « le pouvoir de
violence d’ordre social ou politique – qui ne l’est feu que certains détiennent contre d’autres, en
pas moins – est rarement, voire jamais établie. raison de leur capacité, parallèle à celle de l’État,
Ces explications « fourre-tout », fondées sur à utiliser nos corps pour envoyer des messages
des chiffres dont on peut gager que la plupart de violence2 », messages auxquels la fragilité
de ceux qui les citent ne savent ni par qui, ni institutionnelle ne peut apporter de réponse.
comment ils ont été élaborés, remplissent le
double objectif contradictoire d’inquiéter et Le jour même où Felix Molina était pris pour
de rassurer les consciences. Les meurtres, les cible, étaient rendus publics les détails de
attentats et les menaces qui déciment les rangs des l’opération policière qui avait permis la capture
journalistes, des défenseurs des droits humains, des quatre auteurs présumés du meurtre de la
des avocats engagés, des militants politiques, militante indigène Berta Cáceres. Échaudés par
des organisations paysannes, des groupes LGBT ? les spéculations sur un éventuel motif passionnel
Rien de surprenant dans un pays présenté comme avancé à diverses reprises par les autorités, ses
intrinsèquement violent ! Justifiant un fatalisme proches accueillirent la nouvelle avec une espoir
qui décourage l’action, cette paresse intellectuelle teinté de circonspection. Bien que le profil des
isole et discrédite les victimes : tous ceux qui, détenus ne laisse aucun doute sur leurs liens, d’une
sur place, ne se résignent pas à vivre et travailler part avec l’entreprise DESA et d’autre part avec les
forces armées, le risque était loin d’être écarté
qu’un procès expéditif conclue à l’initiative
individuelle de l’ex-employé et de l’ex-chef
de la sécurité de DESA mis en cause dans
la planification du crime et le recrutement
de tireurs à gages. Pour les autorités, cette
option présentait le double avantage de
redorer le blason d’une institution judiciaire
fustigée pour son inefficacité et sa vénalité,
et surtout d’éviter de remettre en question
la situation conflictuelle découlant des
activités de l’entreprise ainsi que les intérêts
directs de hauts responsables du parti au
pouvoir3 (Parti National) dans la réalisation
du barrage d’Agua Zarca, dont DESA avait
la charge. Au matin de la présentation des
assassins présumés de Berta Cáceres et des
agressions contre lui, Felix Molina révélait les
liens entre politiciens, oligarchie financière,
militaires de haut rang avec l’entreprise
DESA dans un article intitulé « La mémoire
Manifestation du 1er mai à Tegucigalpa. Photo : Hélène Roux. pince jusqu’au sang ».
1 http://www.alterinfos.org/spip.php?article7392
2 http://www.pasosdeanimalgrande.com/index.php/en/amenazas-a-la-libertad-de-expresion/
item/1341-mensaje-de-periodista-felix-molina-por-la-fragilidad-institucional-y-mi-propia-fragilidad-
considero-prudente-atender-opciones-que-personas-y-gobiernos-me-sugieren
3 http://criterio.hn/la-memoria-pincha-sangrar/ 5
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