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Actualités
Venezuela : le gouvernement en difficulté face aux
offensives de la droite et à l’effondrement économique
Le 6 décembre 2015, pour la première fois depuis la victoire d’Hugo Chávez en 1998,
l’opposition au chavisme a emporté des élections nationales. La Mesa de la Unidad
Democrática (MUD) emporte, avec plus de 56 % des suffrages exprimés et par le biais
du mode de scrutin, la majorité qualifiée des deux tiers des sièges. Si le chavisme fait
jeu égal dans les États ruraux, il accuse un retard de plus de vingt points dans les
États les plus urbains. C'est dans les barrios, les quartiers populaires des villes, que
l’hémorragie est la plus profonde. Au 23 de Enero, quartier populaire dans l’ouest de
Caracas, à la forte tradition militante de gauche, la MUD est en tête. À Petare, dans
l’est de Caracas, reconnu comme le plus grand barrio d’Amérique latine, l’opposition
a plus de trente points d’avance. Dans le cadre des débats concernant les évènements
au Venezuela, cet article présente une lecture de l’actualité récente. FAL MAG publiera
prochainement d’autres points de vue sur la situation vénézuélienne.
Tension politique mener des Opérations de Libération Chávez avait mis en place un contrôle
du Peuple (OLP) pour la nécessité de de la conversion du bolívar. Depuis
Le gouvernement de Nicolás Maduro, rétablir la sécurité mais sont suspectées 2012, le différentiel entre le change
héritier de celui d’Hugo Chávez, de dizaines d’assassinats sommaires. officiel et officieux est passé de 2 à 458.
semble désormais incapable de sortir Face à ces tensions politiques, une Les citoyens ont profité de cet écart
de la crise dans laquelle il est plongé. conciliation a été ouverte entre pour des montants marginaux, mais
Le Venezuela étant sous un régime le gouvernement et l’opposition les grandes entreprises ont accumulé
présidentiel, le pouvoir exécutif reste sous l’égide du Vatican, une reprise des fortunes considérables avec la
entre les mains du gouvernement de du dialogue saluée par l’UNASUR, complicité de hauts fonctionnaires
Nicolás Maduro. La nouvelle majorité l’organisation intergouvernementale gouvernementaux en pratiquant des
parlementaire et le gouvernement rassemblant l’ensemble des États sud- surfacturations d’importation ou des
se livrent depuis une bataille pour américains. Une transition pactée entre demandes de dollars subventionnés
se destituer mutuellement. D’une l’élite chaviste et l’opposition pourrait pour des importations non réalisées.
part, le gouvernement a dépossédé être une issue à la crise dont les classes Des économistes font état d’une fuite
l’Assemblée nationale de l’essentiel populaires paient un coût social élevé. de plusieurs centaines de milliards par
de ses pouvoirs au moyen d’un décret ce biais.
sur l’état d’exception et l’urgence Crise économique Depuis la découverte de ses
économique et retarde la possibilité ressources pétrolières, il y a un siècle,
constitutionnelle d’organiser un L’effondrement économique du pays le Venezuela n’est plus souverain
référendum révocatoire. D’autre part, est à l’origine de la poussée de la MUD. sur le plan alimentaire et importe la
l'opposition, qui a mobilisé en masse Le Venezuela est en récession (-4% en plupart de la nourriture consommée.
dans la rue les 1 septembre et 26 2014 ; -7% en 2015). Le gouvernement Ces distorsions du taux de change
er
octobre, menace le président d’un promeut une explication de type créent des difficultés d’importation.
procès inconstitutionnel en destitution complotiste, celle d’une guerre Les pénuries touchent un tiers des
et de marcher vers le palais présidentiel, économique, ourdie par les anciennes produits de première nécessité,
rappelant les douloureux souvenirs du élites en quête de revanche, spéculant provoquant de longues files d’attente
coup d’État avorté d’avril 2002 contre contre le processus révolutionnaire aux abords des commerces. Cette
Hugo Chávez. Cette « cohabitation » bolivarien et accaparant les produits de situation dramatique est à l’origine
entre les pouvoirs exécutif et législatif première nécessité. L’exécutif accuse de révoltes localisées où les habitants
suscite une tension politique forte également ceux qui revendent les s’approprient les marchandises et
en l’absence d’arbitre constitutionnel produits subventionnés de l’autre côté s’affrontent quelquefois avec les
jugé indépendant des deux parties, de la frontière, appelés bachaqueros. forces de l’ordre, sans atteindre les
l’opposition estimant que le Tribunal La crise économique est la conjonction niveaux de répression de février 1989
Suprême de Justice et le Conseil de deux phénomènes. D’un côté, la quand le président social-démocrate
National Électoral sont aux ordres de chute du cours mondial du prix du de l’époque, Carlos Andrés Pérez,
Nicolás Maduro. Un certain déficit baril de pétrole, divisé par deux en cinq avait noyé la révolte dans le sang au
démocratique du gouvernement mois à partir de septembre 2014, grève prix de plusieurs centaines de morts.
de Nicolás Maduro se manifeste le budget d’un État demeuré rentier, Pour approvisionner la population,
également par le report sine die de où l’or noir représente la quasi-totalité le gouvernement de Nicolás Maduro
plusieurs élections syndicales majeures des exportations. D’un autre côté, le a constitué des Comités Locaux
dans le secteur pétrolier ou dans le détournement massif du contrôle des d’Approvisionnement et de Production
secteur sidérurgique. Les élections changes mis en place il y a treize ans, (CLAP) qui distribuent des produits
régionales ont également été retardées. provoque l’effondrement de la monnaie de première nécessité à plus d’un
Le droit de manifestation est restreint. vénézuélienne. Au moment du lock- million et demi de personnes, dans
Les forces de l’ordre sont autorisées à out pétrolier de 2002-2003, Hugo des quantités toutefois insuffisantes
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