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AUTONOMIE, AUTO-ORGANISATION ET                                                              DOSSIER
  STRATEGIES DES MOUVEMENTS SOCIAUX

                            EN AMERIQUE LATINE

L’Amérique latine se caractérise comme un pôle de résistance et un laboratoire social
au regard de la richesse et la diversité de ses expériences. Si elle a longtemps été un
terreau fertile pour les expériences révolutionnaires, elle est probablement devenue
depuis une vingtaine d’années le principal foyer de résistance à la mondialisation capi-
taliste et à l’hégémonie de l’Empire.

La décennie des années 90 a été marquée            l’autonomie, la démocratie directe, les re-
par un nouveau cycle de conflits et de mo-         vendications programmatiques, les pers-
bilisations qui ont contesté le modèle néo-        pectives émancipatrices et l’appropriation
libéral :                                          sociale du territoire, ce qui les différencie
o Soulèvement zapatiste au Mexique en              des organisations traditionnelles. Dans ce
1994 contre l’entrée en vigueur de l’ALE-          cycle de résistance au néolibéralisme, ces
NA,                                                mouvements convergent avec d’autres
o Barrages de routes par les piqueteros en         acteurs urbains comme les travailleurs
1996 en Argentine,                                 précarisés, les étudiants, les jeunes et les
o Mobilisations indigènes et paysannes en          couches moyennes paupérisées pour pé-
Equateur et en Bolivie.                            nétrer l’espace public et retrouver une
Ces événements, au Nord, au Sud et dans            souveraineté populaire.
les Andes attestent de la dimension régio-         La tendance à la réappropriation commu-
nale de ce cycle de protestations. Surgis          nautaire de l’espace de vie s’exprime par
des forêts et des montagnes latino-améri-          des occupations prolongées d’un espace
caines, des périphéries des grandes exploi-        ou d’un territoire déterminé (occupation
tations, des circuits commerciaux et des           de terres, logements, routes, villages et
villes, ces mouvements démontrent une              villes), le développement d’expériences de
capacité d’articulation permettant d’enga-         production autogérées, de résolution col-
ger des mobilisations à l’échelle nationale.       lective de besoins sociaux et des formes
Dépossédées ou sous la menace d’expul-             collectives de gestion publique. On peut
sion de leurs terres, de leur travail ou de-       citer : les occupations du MST du Brésil, les
vant la dégradation de leurs conditions            communautés indigènes en Equateur et en
de vie, la plupart de ces organisations se         Bolivie, les communes autonomes zapatis-
constituent avec une identification politi-        tes au Mexique, les récupérations d’en-
que en rapport avec leur dépossession (les         treprises en Argentine. Les mouvements
sans-terre, les sans-travail, les sans-toit).      sociaux rénovent profondément la notion
Les peuples originaires s’organisent contre        d’autonomie et la pratique émancipatrice
les menaces de remise en cause de la vie           qui préfigurent une nouvelle société. Ces
communautaire.                                     pratiques de gestion communautaire ont
Les principales caractéristiques de ces            suscité de nombreux débats sur la valori-
mouvements sociaux sont les pratiques              sation de l’autonomie et ont donné lieu
collectives, les formes d’organisation,            à la conceptualisation du contre-pouvoir
                                                   (Hardt - Negri : 2002), de l’anti-pouvoir (J.

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