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CHILI
DES MILITANTS MAPUCHE SONT JUGES
COMME PENDANT LE TEMPS DE LA DICTATURE
Il semblerait qu’au Chili, au Sud du fleuve BíoBío, le temps se soit suspendu et que l’on vive
toujours en pleine dictature, avec des prisonniers politiques et des communautés entières qui
se mobilisent pour la défense de leurs droits et sont persécutés par leurs tortionnaires. Certai-
nement en 1989, quand a débuté la transition pactée vers la démocratie, cette dernière n’est
pas arrivée jusqu’aux Mapuche, le peuple originaire le plus important du Chili. Et ils n’ont pas
eu d’autre alternative que de continuer à lutter pour ne pas disparaitre en tant que peuple. La
Concertation a administré l’héritage de la dictature en permettant la continuation du pillage de
leurs terres et des eaux par les entreprises forestières, piliers du modèle exportateur chilien.
© Jérémy Dotti européenne. Elle est la sœur de Ramon et Vic-
tor Llanquileo Pilquiman, qui sont tous deux
La loi anti-terroriste créée aux temps de Pi- en prison. Neuf parlementaires européens et
nochet et utilisée par les présidents Lagos, neuf observateurs internationaux se sont donc
Bachelet et maintenant massivement mise en rendus dans le Sud.
avant par le gouvernement de Piñera contre Tortionnaire d’hier et « victime » aujourd’hui
les Mapuche, permet l’utilisation de témoins Gladys Huenuman, ancienne prisonnière po-
anonymes dans les jugements contre ces pri- litique pendant la dictature et membre de la
sonniers politiques, leaders de la récupéra- communauté Puerto Choque et porte-parole
tion des terres. C’est la formule conçue par les d’un des prisonniers de Lebu, est la mère d’un
procureurs pour obtenir des condamnations des accusés. Son fils Juan Carlos Muñoz Hue-
qui favorisent les puissantes entreprises fo- numan est prisonnier à cause d’une machina-
restières, puisque qu’avec un procès normal, tion réalisée par José Santos Jorquera, qui a
il n’existerait pas de preuves suffisantes ou torturé des membres de cette famille, comme
les condamnations seraient plus basses pour son grand-père et son père.
des incendies ou pour des occupations de ter- Cette personne fut à l’époque de Pinochet
rains. Pour cela, les jugements qui ont débuté un agent de la CNI. « Dans la communauté de
en novembre dernier à Cañete, dans la région Puerto Choque, ils attachaient les détenus et les
du BíoBío, suite à une grève de la faim qui a plongeaient dans le lac. Jorquera les a aidé, avec
suscité une solidarité nationale et internatio- sa maison, son hangar, son bateau, il ramait
nale, se déroulent avec la participation d’ob- et regardait comment les autres torturaient les
servateurs internationaux, dont beaucoup gens », dénonce Gladys, dans « Témoignage
d’européens. Ces faits ont été rapportés par des violations aux droits humains des com-
Natividad Llanquileo, porte-parole des prison- munautaires Mapuche 1973-1989 », une in-
niers politiques Mapuche lors d’une tournée vestigation menée par Angélica Huenchun,
membre de la Commission des Droits Humains
du Collège des Assistantes Sociales, publiée en
novembre dernier et diffusée par CODEPU.
L’homme en question est l’un de ceux qui a
porté plainte pour menaces et vol contre le
fils de Gladys. Cette dernière ainsi que d’autres
personnes de la communauté, ont agi contre
Santos Jorquera, en le dénonçant pour ses vio-