Page 10 - FAL MAG 114
P. 10
DOSSIER Expériences démocratiques en © Ernesto Bordier
DOSSIER danger en Amérique latine
Un dossier coordonné par Gérard Fenoy (membre du Bureau National de FAL).
Les élections présidentielles au Paraguay (en avril), celles qui sont prévues au Honduras (en novembre) pourraient faire
penser qu’une vie démocratique « normale » a repris en Amérique latine, et que sont refermées définitivement des pa-
renthèses musclées comme l’exil manu militari du Président Manuel Zelaya du Honduras ou la destitution par le Parle-
ment paraguayen du Président Fernando Lugo. Nous laisserons ce genre de considérations à ceux qui publiquement ou
discrètement se félicitent que les modestes tentatives de modernisation d’une société archaïque, menées par ces deux
élus populaires, aient été interrompues avant même d’être réalisées.
La violence avec laquelle le candidat de droite Capriles a contesté la victoire du chaviste Maduro au Venezuela nous
rappelle en revanche que la politique est tout sauf une guerre en dentelles. Aussi nous sommes-nous interrogés sur
la fragilité de la démocratie en Amérique latine. Le lecteur nous pardonnera de ne pas avoir mené un tour d’horizon
complet, serait-il d’ailleurs possible ? Des pays importants, des conflits considérables ne seront pas mentionnés dans ce
dossier : ils ont été abordés dans les derniers numéros de FAL MAG. Ils reviendront dans notre revue tant que l’actualité
le nécessitera.
Ce dossier est l’occasion de s’interroger sur la démocratie dans ce continent. Il apparaît bien vite qu’elle n’est pas la
même en Amérique Centrale et en Amérique du Sud ; l’Histoire interne, les guerres, les révolutions, les répressions ont
modelé différemment chacune des nations, chacun des Etats. Mais un constat s’impose : ce sont des démocraties en-
core en construction. Non pas que les systèmes démocratiques soient achevés en Europe, en référence à un modèle qui
n’existe pas. Mais l’observateur honnête se rend compte que l’élaboration de régimes démocratiques rencontre des
obstacles formidables dans la plupart des pays.
On retrouve partout les mêmes, avec une intensité différente sans doute, même si nous n’avons pas la prétention de
jouer au spécialiste ou à l’expert : des structures sociales extrêmement inégalitaires, une confiscation de la terre et de
la richesse comme nulle part, une pratique assumée ou dissimulée de la terreur génocidaire, le poids des institutions le
plus souvent dominées par les forces réactionnaires comme l’Armée, la Justice, l’Église, la concentration de la presse et
des médias autour de la défense des situations acquises et des intérêts privés, le jeu des multinationales… En un mot il
faut décortiquer le pouvoir existant pour avoir une idée des progrès nécessaires et pourtant jugés insupportables par
les conservateurs.
Car la droite relève partout la tête. Perdre une élection, soit. Deux, non ! Pour revenir au pouvoir, tous les coups sont
permis, et la démocratie n’est pas une valeur fondamentale pour les possédants : c’est au mieux une arme pour dénon-
cer les atteintes aux intérêts privés, pas une manière de conquérir la majorité par un débat citoyen. Souvenons-nous
qu’Alfredo Stroessner s’est fait réélire pendant près de quarante ans Président du Paraguay. Est-ce pour autant un mo-
dèle de démocratie pour l’Amérique latine ?