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d’une Troupe d’Intelligence et des Groupes de tion et d’impunité sont tels que la population se
Réponse Spéciale de Sécurité (TIGRES). Les TI- méfie tout autant des policiers que des criminels
GRES formeraient une force commando armée qu’elle est censée combattre.
spécialisée dans la prévention, le contrôle et le Or, depuis 2012, l’espoir suscité par cette initia-
combat contre le crime. Les recrues âgées de 18 tive de transparence a cédé la place à l’inertie,
à 22 ans seraient abritées au sein de quartiers en regard de l’ineffectivité des mesures préala-
appartenant à l’armée hondurienne, recevraient blement annoncées. En l’espace d’un an, à peine
un entraînement requérant une discipline quasi- 200 membres de la Police Nationale sur un ef-
militaire, ainsi que l’exige la création d’une telle fectif total de 14 000 ont été congédiés. Face à
force d’élite qui prétend parer à la violence. Le ce nouveau scandale illustrant une fois de plus
président du Congrès, Juan Orlando Hernández la sclérose qui frappe le système judiciaire hon-
-connu sous l’acronyme JOH-, expliquait le 15 durien, les mesures symboliques ont afflué : les
mai dernier que « le Honduras vit des instants re- États-Unis ont menacé de suspendre l’aide fi-
quérant des structures particulières pour répondre nancière versée à la DIECP⁴, tandis que le pré-
à des problèmes particuliers ». La rhétorique po- sident hondurien a procédé à un remaniement
litique de JOH, candidat en lice à la présidence institutionnel. Désormais, c’est Arturo Corrales
du pays sous les couleurs du Parti National¹, fait qui est promu au poste de « superministre » de
appel à un « état d’exception » qui justifie la prise la Sécurité, créé tout spécialement à cette occa-
de mesures participant au renforcement du dis- sion ; en tant que ministre de la Sécurité, il hérite
positif sécuritaire, et l’intervention de l’armée également des fonctions de Commissaire Natio-
dans les tâches civiles². nal de la Défense et de la Sécurité⁵. De plus, ce
La possible formalisation des TIGRES a immé- sont deux anciens colonels au passé trouble qui
diatement alerté la société civile hondurienne; occupent maintenant les fonctions de vice-mi-
la Coalition contre l’impunité³ a exprimé auprès nistres de la Défense.
des médias une préoccupation grandissante Cette fusion institutionnelle décomplexée, qui
face à la « militarisation de la police ». Elle met en entérine un processus diffus de militarisation au
garde contre à une recrudescence prévisible des sein de l’espace social, en dit long sur les projets
violations des droits humains, qui sont déjà le lot politiques de la droite hondurienne, si celle-ci
quotidien. Le président du Congrès a beau se dé- est réélue en novembre prochain. Les mesures
fendre de ce type de dérive, le malaise grandit. adoptées par l’État pour libérer le pays du far-
Le spectre d’une énième militarisation du pays deau de la violence peinent à convaincre les
se matérialise peu à peu tandis que les indices Honduriens. Le parti de gauche Liberté et Refon-
redoublent et convergent dans cette direction. dation (LIBRE), dont la candidate à la présidence
Faisant fi des nombreuses réticences exprimées Xiomara Castro n’est autre que l’épouse de Ma-
par divers secteurs sociaux, le Congrès National nuel Zelaya, espère offrir une voie alternative
a approuvé la loi spéciale de création des TIGRES pour le futur du Honduras.
le 3 juin. Le sigle reste le même, mais signifie
maintenant « Unité Prise Intégrale Gouvernemen- Orlane VIDAL
tale de Réponse Spéciale de Sécurité »; les forces Volontaire au sein du Projet d’Accompagnement
armées lui prêteront main forte dans la mesure
de ses besoins. international au Honduras
La formation de cet escadron d’élite, déjà discu-
tée en 2012 au Congrès, refait opportunément ¹ Parti politique de droite actuellement au pouvoir.
surface au sein d’une conjoncture institution- ² Le décret 223-2011 approuvé par le Congrès National en novembre 2011,
nelle critique. La saga de l’« épuration » des fonc- autorise les forces armées à réaliser des tâches spécifiques à la police, dans
tionnaires de justice a monopolisé l’attention le contexte d’un état d’urgence de la sécurité publique. Il a été renouvelé à
médiatique pendant plusieurs semaines au mois maintes reprises.
de mars. En effet, un an environ après sa créa- ³ La Coalition contre l’Impunité, formée au mois de mai 2013, est compo-
tion, la commission indépendante qui conduit la sée d’une vingtaine d’organisations honduriennes de défense des droits
réforme de la sécurité publique - la CRSP - a désa- humains.
voué la Direction d’Investigation et d’Évaluation ⁴ Les États-Unis participent aujourd’hui encore activement au financement
de la Carrière Policière (DIECP), en charge de la des forces de sécurité honduriennes, situation dénoncée par la société civile
« purge » des éléments délinquants de la Police internationale.
Nationale. Au Honduras, les niveaux de corrup- ⁵ Au Honduras, le ministère de la Défense est en charge des affaires mili-
taires, tandis que le ministère de la Sécurité est en charge de la Police Na-
tionale.