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ACTUALITES
Chili : La « Nouvelle majorité »
et le retour de Michèle Bachelet
Le 11 mars dernier, la nouvelle présidente du Chili, Michèle Bachelet (PS) assumait son deuxième
mandat, dans un contexte de fortes attentes de changement et de mobilisations sociales.
Bref tour d’horizon.
Depuis des mois, l’affaire semblait entendue : la communistes, Karol Cariola ou encore la leader
socialiste Michèle Bachelet serait la prochaine étudiante, Camila Vallejo. Paradoxalement, les
présidente de la République, initiant ainsi un élites économiques ont aussi largement sou-
second mandat après quatre années du gou- tenu la nouvelle présidente, considérée comme
vernement de Sebastián Piñera, entrepreneur un gage de stabilité et de modération face à la
multimillionnaire, regroupant derrière lui droite gauche radicale et à une droite divisée et sans
libérale et ex-partisans du dictateur Pinochet au projet cohérent.
sein de l’Alliance pour le Chili. Face à Evelyn Mat- De fait, nombre de militants du mouvement so-
thei (droite - 37,8% des voix), Michèle Bachelet cial sont dubitatifs sur la volonté réelle de chan-
sera donc la prochaine présidente avec plus de gement du nouveau gouvernement et souvent
62,2% des voix. Cette nette victoire électorale directement critiques, dénonçant une « Concer-
valide les résultats des primaires et du premier tation new look » qui ne réalisera probablement
tour, pour celle qui est annoncée depuis des pas les transformations de fond attendues. De
mois comme la grande gagnante de ce cycle po- tels discours sont aussi présents dans la base mi-
litique institutionnel. De plus, les élections par- litante communiste et au sein de la Centrale uni-
lementaires offrent à sa coalition la majorité au taire des travailleurs (CUT), pourtant dirigée par
sein des deux chambres du congrès. une syndicaliste membre de la direction du PC.
Les dernières élections ont surtout été mar-
Néolibéralisme, abstention massive quées par un niveau d’abstention historique.
et nouvelle coalition Sur les quelques 13 millions d’électeurs, et alors
qu’une récente modification électorale a aboli le
Alors que la droite est au pouvoir depuis 2010, la vote obligatoire, moins de 50% des citoyen-ne-s
campagne de Matthei a été un large fiasco. Après se sont déplacé-e-s aux urnes ! Il semble que la
plusieurs erreurs de « casting » dans la sélection majorité des classes populaires ne se sente pas
des candidats, c’est finalement cette ministre de représentée par un système institutionnel fa-
Piñera, fille d’un général de la dictature, qui a dé- çonné par la dictature (la constitution de 1980
ployé jusqu’à la lie un discours catholique ultra- est toujours en place). Mais si certains secteurs
conservateur. En face, Bachelet, dotée d’un bud- intellectuels (comme l’historien Sergio Grez)
get de campagne impressionnant, est revenue ont appelé consciemment à la «grève électorale»,
des Etats-Unis (où elle dirigeait « ONU Femmes »), c’est surtout l’apathie et le désenchantement
avec une popularité incontestée. Pur produit de qui dominent encore, dans une société marquée
la Concertation, coalition de sociaux-libéraux et par l’atomisation néolibérale. C’est également
démocrates-chrétiens, qui a dominé la vie poli- ce que confirme le résultat -marginal- des can-
tique pendant 20 ans (1990-2010) et clairement didatures à la gauche de la gauche. Sur les neuf
légitimé le modèle néolibéral forgé en dictature candidats, deux ont tenté de mettre en avant un
(1973-1989), la dirigeante socialiste a cherché a discours anti-néolibéral, revendiquant un pro-
redonner un visage progressiste à sa campagne. gramme de rupture avec le consensus établi.
Le Parti communiste a ainsi choisi d’intégrer la Marcel Claude, économiste présenté par le Parti
coalition, rebaptisée « nouvelle majorité » pour Humaniste, proche du mouvement étudiant et
l’occasion, et a appelé à voter dès le premier soutenu par un mouvement large (appelé « To-
tour pour Bachelet. Ils ont aussi pu bénéficier de dos a la Moneda ») a regroupé -fait notable- no-
nouvelles circonscriptions leur permettant de tamment plusieurs petits collectifs issus de l’ex-
doubler le nombre de leurs députés (avec 6 siè-
ges). Parmi ceux-ci l’ex-dirigeante des jeunesses