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cette condamnation survient dans un contexte
récent de stigmatisation médiatique des luttes
des peuples indigènes et d'activisme de la part
des grands propriétaires terriens du département
du Cauca (d'où est originaire Feliciano Valencia1)
contre les revendications territoriales des
indigènes.
Une justice qui manque d'indépendance
Cette criminalisation de la protestation sociale et
de ses leaders, destinée à affaiblir et délégitimer
les mouvements sociaux et l'opposition, est Photo : DR
rendue possible par la faible indépendance dont
fait souvent preuve la justice en Colombie, en DOSSIER
particulier le Bureau du Procureur Général (Fiscalía
General), qui peut donc être instrumentalisée
par le pouvoir en place. Les garanties légales et
démocratiques, et le droit à un procès équitable,
sont en théorie respectés, mais en réalité de
fausses preuves peuvent être présentées, de faux
témoins utilisés, et même de véritables stratégies
accusatrices mises en place avec la complicité de
certains médias dominants.
Tout cela dans le but d'occulter le motif politique
de l'accusation et le caractère arbitraire de la
détention. En général, cette persécution judiciaire
contre les leaders sociaux s'effectue à travers une
poursuite pour délit de rébellion, c'est à dire une Photo : DR
supposée appartenance à la guérilla. Il s'agit là
d'une tactique presque aussi vieille que le conflit
armé pour stigmatiser et diaboliser aussi bien la
protestation sociale que l'opposition politique
légale.
Néanmoins, il semblerait que la criminalisation
des mouvements sociaux passe de plus en plus
par l'accusation de délits communs, comme
l'illustre le cas de Feliciano Valencia. Ce qui
signifie qu'on ôte tout caractère spécifique et
politique à l'acte jugé et qu'on traite les personnes
accusées comme de simples délinquants. Or,
on peut supposer qu'il s'agit là d'une stratégie
qui anticipe l'éventuel futur "postconflit", c'est à
dire un contexte où on ne pourrait plus accuser
les leaders sociaux d'appartenance aux guérillas Photo : Maurice Lemoine
puisqu'elles n'existeraient tout simplement plus.
Une législation de plus en plus
répressive
Cette évolution dans la criminalisation de la
protestation sociale est justement facilitée par
le nouveau Code de Police et par une Loi dite de
Sécurité Citoyenne (Ley de Seguridad Ciudadana)
particulièrement répressive. Concrètement, le
fait de perturber des actes officiels, d'obstruer
des voies publiques ou encore de lancer un
objet sur un policier peut être désormais puni
de peines de prison très sévères. Alors que la
Colombie connaît ces dernières années une
1 Voir notre article sur le cas de Feliciano Valencia pages 17 et Photo : Maurice Lemoine
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