Page 15 - FAL MAG 125 ok
P. 15

cette condamnation survient dans un contexte
          récent de stigmatisation médiatique des luttes
          des peuples indigènes et d'activisme de la part
          des grands propriétaires terriens du département
          du Cauca (d'où est originaire Feliciano Valencia1)
          contre les revendications territoriales des
          indigènes.

          Une justice qui manque d'indépendance

          Cette criminalisation de la protestation sociale et
          de ses leaders, destinée à affaiblir et délégitimer
          les mouvements sociaux et l'opposition, est                                                      Photo : DR
          rendue possible par la faible indépendance dont
          fait souvent preuve la justice en Colombie, en                                                            DOSSIER
          particulier le Bureau du Procureur Général (Fiscalía
          General),  qui  peut  donc  être  instrumentalisée
          par le pouvoir en place. Les garanties légales et
          démocratiques, et le droit à un procès équitable,
          sont en théorie respectés, mais en réalité de
          fausses preuves peuvent être présentées, de faux
          témoins utilisés, et même de véritables stratégies
          accusatrices mises en place avec la complicité de
          certains médias dominants.
          Tout cela dans le but d'occulter le motif politique
          de l'accusation et le caractère arbitraire de la
          détention. En général, cette persécution judiciaire
          contre les leaders sociaux s'effectue à travers une
          poursuite pour délit de rébellion, c'est à dire une                                              Photo : DR
          supposée appartenance à la guérilla. Il s'agit là
          d'une tactique presque aussi vieille que le conflit
          armé pour stigmatiser et diaboliser aussi bien la
          protestation sociale que l'opposition politique
          légale.


          Néanmoins, il semblerait que la criminalisation
          des mouvements sociaux passe de plus en plus
          par l'accusation de délits communs, comme
          l'illustre le cas de Feliciano  Valencia. Ce qui
          signifie qu'on ôte tout caractère spécifique et
          politique à l'acte jugé et qu'on traite les personnes
          accusées comme de simples délinquants. Or,
          on  peut  supposer  qu'il  s'agit  là  d'une  stratégie
          qui anticipe l'éventuel futur "postconflit", c'est à
          dire un contexte où on ne pourrait plus accuser
          les leaders sociaux d'appartenance aux guérillas                                          Photo : Maurice Lemoine
          puisqu'elles n'existeraient tout simplement plus.

               Une législation de plus en plus
                          répressive

          Cette évolution dans la criminalisation de la
          protestation sociale est justement facilitée par
          le nouveau Code de Police et par une Loi dite de
          Sécurité Citoyenne (Ley de Seguridad Ciudadana)
          particulièrement répressive. Concrètement, le
          fait de perturber des actes officiels, d'obstruer
          des  voies  publiques  ou  encore  de  lancer  un
          objet  sur  un  policier  peut  être  désormais  puni
          de  peines  de  prison  très  sévères.  Alors  que  la
          Colombie connaît ces dernières années une


          1  Voir notre article sur le cas de Feliciano Valencia pages 17 et                        Photo : Maurice Lemoine
          18.                                            15
   10   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20