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Photos : Maurice Lemoine                             cette loi, tout en respectant la volonté d'une

               L’absence de cessez-le-feu bilatéral parallèlement
     DOSSIER   aux négociations de La Havane laisse également     partie de l’opinion publique, qui juge nécessaire
                                                                  de traduire en justice les membres des FARC
               planer un doute sur une potentielle résolution
                                                                  ayant commis des crimes. Par ailleurs, le débat sur
               pacifique  du  conflit.  En  effet,  si  les  FARC  ont
                                                                  l’impunité concerne également le gouvernement
               à plusieurs reprises observé un  cessez-le-feu
                                                                  et l’armée colombienne ainsi que des groupes
               unilatéral, le gouvernement colombien s’est
               refusé à toute trêve avant la signature d’un accord
                                                                  commis des crimes de guerre, sans qu'il soit
               final.                                             paramilitaires, qui sont eux aussi accusés d’avoir
               Il  s’agit  ainsi  de  maintenir  une  pression  sur  la   prévu de remonter la chaîne de commandement
               guérilla et de satisfaire une partie de l’opinion   afin d'établir les responsabilités aux plus hauts
               publique colombienne. C’est également une          niveaux de l'État.
               manière pour le président Santos de donner
               des gages à ceux qui s’opposent à ce processus     La sortie de cette impasse a été confirmée le 23
               de  paix,  à  l'instar  de  l'ancien  président  Álvaro   septembre dernier, au lendemain du plaidoyer du
               Uribe qui, lors de son mandat de 2002 à 2010,      Pape François en faveur de la paix en Colombie
               avait écarté toute possibilité de dialogue et      lors de sa visite à Cuba. La déclaration a été faite
               déclenché une offensive militaire sans précédent   par les plus hauts responsables des deux camps
               ainsi qu'une répression brutale des mouvements     opposés, participants au processus de paix
               sociaux. En effet, M. Uribe fustige l’actuel cycle de   colombien : le président colombien, Juan Manuel
               négociations et considère que le désarmement       Santos, et le commandent des FARC, Rodrigo
               des FARC doit précéder tout processus de paix.     Londoño, « Timochenko ». Pour la première fois
               Même s’il n’est plus au pouvoir, Uribe dispose     en trois ans de pourparlers, les deux leaders de
               toujours d’un certain capital de sympathie dans    la négociation se sont rendus à la Havane pour
               l’opinion publique, mais surtout dans les rangs    sceller un accord sur ce point qui était le nœud
               des forces armées et des secteurs économiques      gordien des négociations : la forme de justice
               puissants qui profitent du conflit.                qui doit s’appliquer vis à vis des crimes commis
                                                                  pendant la confrontation. Il s'agit d'un point
                          Justice et réparation                   fondamental pour avancer vers la signature d'un
                                                                  accord final.
               Un autre facteur déterminant dans la fin du        «  Je  suis  venu à  la  Havane  pour  annoncer  aux
               conflit a été le sort réservé aux responsables des   Colombiens et au monde entier, mais principalement
               deux camps opposés participant au processus de     aux victimes, que nous avons trouvé un accord sur
               paix. Si les FARC ainsi que l’État colombien ont   les  bases  d'un  système  de  justice  transactionnelle
               officiellement reconnu leurs responsabilités dans   qui permet le plus haut niveau de justice pour les
               les violations des droits humains tout au long de   victimes et le respect de leurs droits » a affirmé le
               la guerre, il n’en reste pas moins que la question   président colombien lors de l'annonce d'une
               de l’impunité constitue un obstacle important      juridiction spéciale pour la paix convenue avec la
               à l’acceptation par la population d’un éventuel    guérilla des FARC.
               accord de paix.
               En août 2013, la Cour constitutionnelle avait      Cet échafaudage juridique spécialement conçu
               confirmé l’approbation par le Congrès colombien    pour le post-conflit colombien et basé sur
               d’un  amendement relatif aux  peines  de  prison   les principes de la justice transitionnelle sera
               des guérilleros. Cet amendement, intitulé « cadre   compétent  pour étudier  les cas de  tous ceux
               juridique de la paix  », prévoit notamment la      qui directement ou indirectement ont participé
               possibilité de suspendre les peines des membres    au conflit armé interne. Les crimes commis
               des FARC. La question était de savoir comment      par les FARC et par les agents de l’État seront
               le gouvernement colombien compte respecter         étudiés, jugés et sanctionnés par cette nouvelle



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