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ACTUALITES
Équateur :
le réveil du volcan des mouvements sociaux
Selon Alejandra Santillana Ortiz, directrice de l’Institut d’Études Équatoriennes de Quito, plusieurs
phases politiques se sont dessinées depuis l’élection de Rafael Correa en 2006. La première, entre 2006
et 2008, s’est caractérisée par une adhésion importante de la société et des mouvements sociaux au
projet porté par Correa qui visait à apporter de la stabilité dans le pays (il était le septième président
en dix ans), et à poser les bases d’une économie sinon socialiste, du moins clairement ancrée à gauche
et redistributrice. Entre 2009 et 2012, ce projet a commencé à se fissurer et, malgré une rhétorique tou-
jours « bolivarienne», le gouvernement équatorien a entamé la mise en œuvre des recettes classiques
d’exploitation des ressources naturelles et d’exportation de denrées primaires. À partir de 2012, « on a
assisté à une restauration conservatrice et le gouvernement a montré son pire visage en matière poli-
tique et économique. »
La “Révolution Citoyenne” :
un projet de plus en plus controversé
Jusqu’à l’année dernière, l’économie
équatorienne bénéficiait encore de la hausse
vertigineuse qu’avait connue le cours du pétrole
entre 2007 et 2014, ce qui avait permis à ce
système basé sur la rente pétrolière de financer
un grand nombre d’infrastructures et de
programmes de santé, éducation, et inclusion
sociale. En revanche, depuis la fin 2014, le cours
du baril de pétrole baisse et stagne aujourd’hui Photo : DR.
autour de 40 dollars, provoquant un grand vide
pour les caisses de l’État puisque le brut ne richesses qui tendait à élargir la base imposable
représente pas moins de 40% des exportations et à augmenter l’impôt sur les héritages et a fait
du pays. Ironie du sort, il semblerait que la monter au créneau la droite, les milieux d'affaires
cote du gouvernement équatorien évolue et une partie de la classe moyenne. Si la réforme
proportionnellement au cours du baril: au sous-entendait bien une redistribution plus
30 juillet 2015, selon un sondage de l’institut juste dans un système de réforme fiscale encore
officiel national CEDATOS, 50% de la population limitée, le projet de loi est survenu en pleine
approuve la gestion de Rafael Correa contre 41% crise d’opinion et n’a pas bénéficié d’une bonne
qui la désapprouve, alors que, pendant 7 ans, stratégie de communication. Ces mobilisations
cette cote s’était maintenue en moyenne à 60% ont remporté un certain succès et ont fait reculer,
et que le président a été réélu avec 57% des voix au moins temporairement, le gouvernement qui
dès le premier tour des élections de 2013. a suspendu le projet de loi dans une tentative de
retour au calme afin d’accueillir le Pape Francisco
Depuis quelques mois, les manifestations en tournée dans la région. Mais ce ne fut qu’une
des syndicats et du mouvement indigène se courte trêve : ces mobilisations ont en effet été
multiplient pendant qu’une partie de la classe suivies par le Paro Nacional et le Levantamiento
moyenne, l’opposition de droite et le patronat Indígena convoqué par la Confédération des
se mobilisent contre un projet de loi visant à Nationalités Indigènes d’Équateur (CONAIE), qui
augmenter l’imposition sur les héritages et les ont regroupé un large spectre d’organisations
plus-values. L’appareil étatique de la “Révolution indigènes et sociales venues de tout le pays pour
Citoyenne” semble être désormais en difficulté… manifester leur rejet des politiques centrales
en matière d’exploitation minière, pétrolière,
Un été sous tension et des lois sur l’eau et la terre. Pour ce faire, les
nationalités indigènes ont entrepris le 2 août
Dans la capitale et les grandes villes du pays, les une Marche pour la Vie et la Dignité, depuis la
manifestations se sont réactivées autour du 8 ville de Tundayme - dans la région de Zamora
juin contre le projet de loi de Redistribution des Chinchipe - en direction de la capitale - où elles
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