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EDITORIAL

                   DE LA TUNISIE AU CHILI, EN PASSANT PAR L’EUROPE,
                                 l’INDIGNATION SE MONDIALISE !

Depuis le mouvement révolutionnaire du 14 janvier en Tunisie, la contestation de l’ordre capitaliste éta-
bli ne cesse de susciter un mouvement d’indignation qui prend des formes diverses selon les pays et les
continents.
La période estivale n’a pas eu raison de ces Indigné-e-s, qui de Grèce ou d’Espagne en passant par Lon-
dres, ne veulent admettre la légitimité d’un système qui a déclenché une des plus graves crises économi-
ques de l’histoire et nous promet déjà que la suivante sera plus violente. « Nos gouvernants ont décidé de
mettre à genoux les peuples au lieu de faire payer les banques », dénoncent les Indignés. « Nous ne paierons
pas la crise », clament les salariés européens avec leurs syndicats.
L’Amérique latine n’est pas en reste, après le changement politique au Pérou qui affaiblit le camp libéral,
la protestation a pris une dimension formidable au Chili avec le Mouvement de contestation étudiant.
L’effervescence sociale qui secoue ce pays, initiée depuis avril par les étudiants et les élèves du secon-
daire, relayée par des grèves générales lancées par la Centrale Unitaire des Travailleurs (CUT) et qui vient
après l’action des mineurs du cuivre ou le rejet du projet HidroAysén, est le mouvement politique et
social le plus fort depuis la fin de la dictature. Le « concert de casseroles » qu’il occasionne, entendu dans
tout le pays, fragilise le tout nouveau président, Sebastián Piñera, et relève le niveau d’exigence. Ce n’est
pas seulement la gratuité de l’Education qui vient aujourd’hui à l’ordre du jour, mais bien la mise en cause
du modèle ultralibéral ainsi que le rejet de la Constitution de 1980 du dictateur Pinochet. C’est aussi
l’exigence d’une réforme du système de retraite, largement privatisé et inégalitaire, de changements du
code du travail pour protéger davantage les travailleurs, d’une réforme fiscale pour plus et de meilleurs
services publics comme l’Education et la Santé.
La vrai question, en Amérique latine et Caraïbe comme en Europe, c’est bien le poids des multinationales,
et une redistribution des richesses plus équitables des fruits de la croissance.
Celle-ci est particulièrement florissante en Amérique latine, qui a su résister à ce jour à la crise qui secoue
les pays du Nord. Une raison supplémentaire, pour les Chefs d’États de l’Union des Nations Sud-améri-
caines (UNASUR) d’aller plus loin dans l’intégration latino-américaine, pour cette organisation politique
créée il y a trois ans.
L’UNASUR qui est intervenue dans le conflit entre la Colombie et le Venezuela pour soutenir la démocra-
tie en Équateur et en Bolivie, veut aujourd’hui amplifier son intervention dans le domaine de l’économie.
Elle a créé le 12 août dernier à Buenos Aires le Conseil sud-américain de l’économie, dont l’objectif est de
coordonner les politiques anticrises des pays de la région. Il devrait coordonner, notamment, l’utilisation
des réserves monétaires, une montée en puissance du Fonds latino-américain de réserve (FLAR), l’élimi-
nation du dollar du commerce régional, la relance de la Banque du Sud, créée en 2007, au détriment de
la Banque Interaméricaine de Développement (BID), dominée par les Etats-Unis.
France Amérique Latine n’est pas en reste dans toute cette mobilisation, elle est aux côtés des étudiants
et élèves chiliens, attentive aux évolutions au Pérou comme en Amazonie, vigilante sur tous les sujets
comme dans ce numéro de FAL Mag consacré au droit à l’Eau. Nous souhaitons approfondir le parte-
nariat engagé dans le cadre du réseau Europe/Amérique latine et Caraïbe, dont nous sommes les co-
fondateurs, avec la tenue en mai 2012 à Santiago du Chili, du 5ème Sommet des Peuples Enlazando
Alternativas.
Le printemps des peuples, des pays arabes à l’Europe en passant par l’Amérique latine et Caraïbe, nous
prévient déjà que rien n’est écrit, et en France non plus.

                                                                                                               Fabien COHEN
                                                                                                    Secrétaire général de FAL
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