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EDITORIAL

                          HAÏTI : IL N’Y PAS DE MALEDICTION !

Un élan de solidarité impressionnant s’est élevé dans notre pays comme dans le monde entier après la
catastrophe qui a frappé Haïti il y a près de deux ans. La solidarité c’est la force des peuples ! Mais l’aide
apportée a été accompagnée d’un discours tenu par les médias et les gouvernements occidentaux, of-
fensant pour Haïti, qui ne serait que pauvreté extrême, délinquance et violence. Ce pays, éprouvé deux
ans plus tôt par quatre ouragans dévastateurs, serait ainsi frappé par une malédiction. Mieux vaudrait se
demander d’abord pourquoi Haïti est si pauvre.
La révolution haïtienne, première Révolution Noire, antiesclavagiste, anticoloniale, fut et demeure un
exemple pour les peuples opprimés. Dès l’indépendance, elle offre sa solidarité à ceux qui luttent pour
libérer leurs propres peuples : le Venezuela, Cuba, le Mexique et la jeune république des Etats-Unis, où
l’esclavage perdurait. Pour cet exemple hautement contagieux pour les autres peuples, Haïti fut soumise
à un long blocus international et lourdement châtiée, non par un quelconque dieu, mais par la France,
puis les Etats-Unis, et ensuite par 29 ans de dictature de la famille Duvalier. Dictateurs qui dans leur chute
trouvèrent refuge et tranquillité en France avec une fortune de 900 millions de dollars, soit plus que le
montant de la « dette » extérieure d’alors.
Ce sont encore les Etats-Unis, qui en 2004, renversaient à nouveau Aristide, avec l’aide de la France et
du Canada, en envoyant une expédition militaire, qui a fait place à une occupation militaire déguisée en
mission de paix : la MINUSTAH, la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti, dont le mandat
ne cesse d’être prolongé, sous la direction du Brésil.
A cela s’ajoute la destruction délibérée par les Etats-Unis de l’agriculture haïtienne, inondant le marché
haïtien de riz subventionné, brisant la filière nationale de production, comme celle de tous les produits
agricoles de base. Ce dumping a fini par avoir raison de l’alimentation produite sur place.
Alors, qu’on ne vienne surtout pas nous parler d’une quelconque malédiction ! La pauvreté d’Haïti n’est
pas tombée du ciel, elle a été fabriquée au cours de ces deux siècles d’interventions étrangères, au pre-
mier rang desquelles figurent la France et les Etats Unis, qui ont fait du contrôle d’Haïti un élément essen-
tiel dans leur positionnement géostratégique dans la mer des Caraïbes.
Oui, ce peuple qui fait face, avec un courage et un optimisme rares, aux épreuves successives qui l’ac-
cablent, mérite notre totale solidarité pour briser les entraves à son émancipation et exiger réparation :
non seulement l’annulation de la dette extérieure d’Haïti mais le remboursement des sommes indûment
ponctionnées.
Le gouvernement de la France comme nos parlementaires, doivent être à l’écoute des demandes de
la société civile haïtienne et lui répondre, pour vaincre l’analphabétisme, construire un système public
d’enseignement et de santé, efficace, gratuit et accessible à tous, surmonter la crise de l’environnement,
vaincre la mortalité maternelle et infantile, la malnutrition, construire la souveraineté alimentaire…
Les peuples d’Amérique du Sud, depuis près d’une décennie, sont à l’offensive et accélèrent, avec la Com-
munauté des Etats latino-américains et de la Caraïbe (Celac), leur intégration sans les Etats-Unis.
Haïti ne doit pas être oublié en cet anniversaire, c’est l’appel que lance France Amérique Latine.

                                                                                                                Fabien Cohen
                                                                      Secrétaire général de France Amérique Latine
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