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ACTUALITES
COLOMBIE : Le pardon aux morts
Ils sont venus nombreux en fois active des forces de police colombiennes
cette fin d’après midi. Jour- et des militaires.
nalistes, militants et person- « Nos morts sont de la taille de la patrie » affirme
nalités politiques de gauche Hernan Motta, exilé politique de l’UP, dans un
se bousculent aux portes du message audiovisuel projeté sur grand écran
salon où se déroule la céré- en ouverture de cérémonie, précédé d’un
monie. Dans la main, certains message d’Aïda Abella, dirigeante elle aussi
tiennent un portrait de feu exilée. Aux yeux du public défile ensuite une
Manuel Cepeda Vargas, pour série de photographies de Manuel Cepeda ac-
lequel tous se sont réunis ici, compagnée d’un résumé oral de son parcours
au Congrès, Place Bolivar, à politique. Sur la tribune s’avance alors celui qui
Bogota. Des violonistes enta- préside cet acte officiel, German Vargas Lleras.
ment leur partition et annon- « Au nom de l’état colombien, en représentation
cent l’imminence de l’acte. Ce mardi 9 août du gouvernement national, et en ma condition
2011, 17 ans après l’assassinat, jour pour jour, de Ministre de l’Intérieur et de la Justice, je de-
de celui qui fut sénateur communiste, l’état co- mande un pardon public pour le crime commis
lombien s’apprête à présenter des excuses pu- contre le sénateur Manuel Cepeda Vargas! ». Les
bliques pour ce fait à l’ensemble de la nation. applaudissements ne peuvent couvrir les slo-
Il y a 17 ans, le nom du dernier sénateur élu de gans chantés de militants communistes qui
la formation politique connue sous le nom de ponctuent les mots du ministre.
l’Union Patriotique (UP) venait s’ajouter à l’in- Dans un discours très énergique, German Var-
terminable liste des victimes d’une répression gas témoigne de la responsabilité de l’Etat
sanglante de l’opposition de gauche durant dans « l’exécution » du défunt sénateur « par
plus de dix ans. Lancée par les FARC durant les action et omission de fonctionnaires publics ».
accords de paix sous le mandat de Belisario « Aujourd’hui nous disons “plus jamais”! Voilà
Betancur, l’UP apparaît sur la scène politique ce qui doit être notre engagement inébranla-
colombienne en 1985. Dès le début elle susci- ble ».
te un grand enthousiasme au sein de la socié- Au micro se succèdent ensuite membres de la
té civile et se veut un moyen de réintégration famille du sénateur et amis. Parmi eux, l’inter-
des guérilleros au travail politique légal dans vention de Carlos Lozano, directeur du journal
le pays. Composante majoritaire de ce front, VOZ, se démarque par de virulentes critiques
le Parti Communiste Colombien y consacrera envers le pouvoir établi qui encore aujourd’hui
l’ensemble de ses forces militantes ; l’un d’eux, célèbre les «héros nationaux» qui « ont leur sta-
Jaime Pardo Leal, en est même le candidat pour tue pour avoir sauvé le pays du communisme ».
les élections présidentielles en 1986 et offre Les opérations Baile Rojo (Bal rouge) et Golpe
à la gauche son meilleur résultat électoral à de Gracia (Coup de grâce) par lesquelles furent
l’époque. menées les exécutions de militants de l’UP
Face à cette réalité, l’oligarchie colombienne signe « une martyrologie des communistes qui
prend peur et entame, à travers ses différents n’est pas encore terminée » rappelle le journa-
corps répressifs, une élimination systématique liste; « Cepeda, avec le Parti Communiste Co-
de l’ossature humaine de l’Union Patriotique. lombien, a toujours cru dans le socialisme dont
Dirigeants régionaux, élus et militants de l’UP le fantôme parcourt à nouveau le monde en ces
sont alors menacés et assassinés, contraignant jours de crise ». Séduits par le discours très poli-
certains à l’exil vers l’Europe. Des troupes pa- tique de Carlos Lozano, des militants commu-
ramilitaires pourchassent dans les villes et les nistes, présents sur les balcons du salon, chan-
campagnes l’ensemble des membres recon- tent à la gloire de leur parti et brandissent des
nus du parti, avec la complicité passive et par- photos de leur camarade disparu.
