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© Dominique Vétillard Manifestation de solidarité à Paris en août 2011
simuler un accord pour mieux contenir les Tout d’abord, les travailleurs en tant que
exigences exprimées par la société civile. tels (et plus seulement comme habitants
Nous assistons, comme l’ont signalé plusieurs des quartiers, consommateurs, parents ou
analystes, à un effondrement de l’accord de délégués) doivent entrer en lutte avec dé-
gouvernance souscrit entre les partisans de termination pour leurs droits propres, avec
la dictature et ses opposants modérés durant le même degré d’autonomie, de radicalité et
la deuxième moitié de la décennie des an- de sagacité politique que celles dont a fait
nées 1980, mais aussi à une crise de légitimi- preuve jusqu’à maintenant le mouvement
té du modèle économique néolibéral, et du étudiant. Ils sont et seront l’élément décisif,
système de démocratie restreinte, sous sur- comme l’infanterie à la guerre, tradition-
veillance et de basse intensité, administrée nellement considérée comme « la reine des
par ces mêmes forces depuis 1980. Parallèle- combats ».
ment, la remise en question des vieilles for- Ensuite, il est indispensable que les mouve-
mes «par délégation » de faire de la politique, ments sociaux (pas seulement le mouvement
à travers de représentations institutionnelles étudiant) soient capables d’élaborer leurs
coupées des bases sociales, fortement cen- propres propositions politiques et d’établir
tralisées et hiérarchiques, est croissante. Les des liens de solidarité entre eux pour former
jeunes et d’autres acteurs sociaux ont préféré un front commun face à leurs adversaires.
construire peu à peu, depuis des années, des Ces mouvements doivent rechercher leurs
formes plus démocratiques et horizontales points d’accord pour construire des platefor-
comme les collectifs sociopolitiques, les as- mes unitaires démocratiquement choisies.
semblées territoriales et locales, les coordi- Mais il est aussi indispensable qu’ils se dotent
nations sectorielles, régionales et nationales de représentations propres dans la sphère
de collectifs, des organisations sociales dont politique. Le profond discrédit qui entoure
les politiques sont définies collectivement et le double pôle de la « transition chilienne » (la
où il n’est pas rare que les dirigeants et les Concertation et la Droite classique) offre une
porte-parole soient changés par leur base occasion unique dans l’histoire de ce pays
si celle-ci le juge utile. Le système politique pour que les mouvements sociaux se repré-
binominal, l’élitisme de la politique « profes- sentent eux-mêmes politiquement et soient,
sionnelle » et les abus de la « classe politique » pour la première fois, les principaux acteurs
ont engendré leurs propres fossoyeurs : une de la refondation des bases politiques dont
citoyenneté populaire et de classe moyenne la société a besoin, sous peine de s’engager
de plus en plus investie. La crise du système dans des voies sans issue où les révoltes so-
est profonde même si elle n’est pas encore ciales successives n’auront pas la capacité de
en « phase terminale ». construire d’alternative viable. L’anomie po-
Que faut-il pour que la démocratie de basse litique est un mal qui guette habituellement
intensité et le modèle néolibéral extrémiste les mouvements sociaux s’ils ne sont pas en
chilien soient délogés de la scène historique ? condition de dépasser leurs revendications
Plusieurs éléments. Les plus importants et sectorielles ou corporatistes, et cette ano-
les plus urgents semblent être les suivants. mie est un danger qui guette aussi, actuelle-
ment, la société chilienne.
Convoquer une Assemblée Constituante où
les représentants des mouvements sociaux
seraient la principale force devrait constituer
l’horizon politique pour la refondation d’une
seconde République qui abandonne la sou-
veraineté par délégation, essentiellement
