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Finalement vient le tour de parole d’Ivan Ce-       che. Nouveau “meilleur ami” de Hugo Chavez,
peda, député et fils du sénateur. «Le 9 août        signataire du traité d’UNASUR, à l’initiative de
1994 (...) dans une opération conjointe, militai-   la loi sur les victimes et de celle sur la restitu-
res et paramilitaires l’ont assassiné» dénonce-     tion des terres qui marquent une reconnais-
t-il, soulignant l’implication dans cet attentat    sance par l’Etat du conflit et de ses conséquen-
à l’époque du célèbre Carlos Castaño, chef de       ces sur la société civile, Santos a sorti son pays
bande paramilitaire, et de José Miguel Nar-         de l’isolement politique où l’avait précipité
vaez, éminence grise des services de rensei-        Uribe. Néanmoins «le salaud n’est pas venu, il
gnement militaire «qui dispensait un cours dans     a laissé son ministre endosser seul le fardeau»
les centres de tueurs des Autodéfenses Unies de     souffle une militante du PCC, faisant référence
Colombie (AUC)* intitulé “Pourquoi il est légitime  à l’absence du Président durant la cérémonie.
de tuer des communistes en Colombie”».              Ivan Cepeda, ses notes à la main, se tourne vers
L’étroite relation entre politiques et bandes       le ministre puis vers le public et proclame «au
paramilitaires a donné, depuis longtemps            nom de ma famille, en ma qualité de défenseur
déjà, naissance dans le pays à une politique de     des droits de l’homme et en tant que représen-
terrorisme d’état à grande échelle. Créés dans      tant à l’Assemblée, j’accepte cette demande de
le centre de la Colombie, dans les régions pé-      pardon comme symbole d’une nouvelle ère en
trolifères du Magdalena Medio, dans les an-         Colombie où serait possible la participation dé-
nées 80, les paramilitaires ont dès lors servi      mocratique de toutes les forces politiques (...) où
les intérêts des grands propriétaires terriens.     l’Etat ne serait plus obligé de demander pardon
Mesure de “protection” face à la guérilla des       et où les victimes n’auraient plus à pardonner».
FARC, ils se sont depuis amplement spéciali-        Applaudissements. Les journalistes rembal-
sés dans l’élimination physique de syndicalis-      lent leurs caméras. Les balcons se vident. Sur
tes, de paysans, d’étudiants, d’intellectuels et    le mur reste accrochée une photo de Manuel
de toute opposition de gauche. Ils sont, avec       Cepeda Vargas.
le concours des forces publiques de l’état co-
lombien, les principaux exécuteurs du mas-                                              Loïc RAMIREZ
sacre de l’Union Patriotique qui s’est soldé                                                 Journaliste
par près de 5.000 victimes. L’implication de
Bogota dans ces événements à entraîné une
demande, en 2008, de la Commission Intera-
méricaine des Droits Humains (CIDH) afin que
la Cour (du même nom, CIDH) condamne l’état
colombien pour l’assassinat de Manuel Cepe-
da. C’est donc sous peine de désobéir à l’orga-
nisme international que le gouvernement s’est
vu contraint de reconnaître son implication
dans la mort du sénateur, ce qui amène l’heb-
domadaire Semana à relever dans ses pages:
«La morale c’est qu’il vaut mieux demander par-
don par motivation propre plutôt que d’attendre
que des organismes internationaux l’exigent».
«Mieux vaut tard que jamais » répondront cer-
tains, surtout que depuis l’arrivée au pouvoir
de Juan Manuel Santos, qui succède à Alvaro
Uribe, Bogota sait montrer patte blanche dans
une Amérique latine majoritairement à gau-

* AUC, groupe paramilitaire d’extrême droite apparu à la fin des années 90 sous le commandement de Carlos Castaño
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