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La violence au Guatemala
Sans être en guerre, le triangle nord de l’Amérique centrale formé du Guatemala, du Salvador
et du Honduras, est aujourd’hui la zone la plus violente au monde. Les taux d’homicide dé-
passent largement ceux des pays comme l’Irak ou la Colombie (Rapport des homicides dans
le monde de l’ONUDOC). Comment expliquer une telle crise qui génère peur et insécurité ? Le
cas du Guatemala permet de mettre en relation ce phénomène avec un processus historique
d’exclusion et de déstructuration de la société.
DOSSIER La violence quotidienne et généralisée ne peut aux espoirs soulevés, elle a ouvert une ère de li-
pas se comprendre hors du contexte social où béralisation économique intense destinée à atti-
elle se produit. Sa base ne réside pas dans l’inné rer les investisseurs étrangers sans traiter les pro-
d’individus violents par nature. Elle est un phéno- blèmes d’impunité (99% des crimes ne sont pas
mène appris et conditionné socialement. Ses raci- résolus), de corruption (20 familles se partagent
nes sont ancrées dans le terreau d’inégalités éco- les richesses du pays) et de misère (le Guatemala
nomiques, politiques, sociales et ethniques du est l’un des pays les plus inégalitaires au monde).
pays. Esclavage, pillage des ressources naturelles Pour beaucoup, la migration est la seule voie
et acculturation d’un peuple jugé « inférieur » sont pour améliorer leurs conditions de vie. Des mil-
les politiques initiées par la couronne d’Espagne liers de Guatémaltèques traversent chaque an-
en 1524 et qui ont perduré après l’indépendance née la frontière mexicaine dans l’espoir de rejoin-
du Guatemala en 1821. L’usage de la violence fut dre les Etats-Unis. D’autres rejoignent les zones
déterminant pour soumettre et garder soumise la déshéritées des grandes villes. Principalement
majorité indigène maya et paysanne aux finque- dirigée contre les populations paysannes mayas
ros criollos (grands propriétaires terriens) et ladi- des montagnes de l’Ouest durant le conflit armé,
nos (descendants des colons). la violence se concentre maintenant dans les dé-
En 1954, à la suite du Coup d’Etat militaire sou- partements du Petén au Nord (route des migrants
tenu par la CIA pour protéger les intérêts de la et des narcotrafiquants) et de la capitale Guate-
United Fruit Company qui régnait en maître sur mala Ciudad où les phénomènes d’exclusion ont
le pays , la parenthèse démocratique ouverte par créé un terreau favorable. Une violence urbaine et
la révolution d’octobre 1944 prend fin, et avec quotidienne y a pris racine et s’est développée.
elle la reconnaissance des droits des travailleurs, L’impunité entretient plusieurs types de violence
la sécurité sociale et la réforme agraire. Les régi- qui s’alimentent entre elles. Les opérations de
mes successifs s’acharnent alors à couper court à limpieza social (nettoyage social), d’agressions
toute revendication sociale et combattent la gué- des membres des mouvements syndicaux, cultu-
rilla de 1960 à 1996. Des sommets de violence rels ou paysans ainsi que des lynchages visant
inédits sont atteints lorsque la politique contre les supposés délinquants, se multiplient. Une
insurrectionnelle prend la forme d’un terrorisme justice hors-la-loi résulte de l’absence d’Etat de
d’Etat suivant des plans de destruction massive droit. Ainsi, le 1er mai dernier à Santa Cruz Ba-
des communautés indigènes. Politiques systéma- rillas, exaspérées par le silence des autorités face
tiques de terre brûlée, disparitions forcées, muti- aux tensions qui les opposent au projet de bar-
lations, viols, etc. dépassent tous les précédents rage de l’entreprise espagnole Hydro Santa Cruz
dans l’horreur. Les militaires, formés et armés en- S.A. et suite à l’assassinat d’un paysan refusant de
tre autres par les Etats-Unis, emploient la terreur lui vendre ses terres, 300 personnes envahissent
pour mater toute revendication, avec pour objec- la caserne militaire du département, s’emparant
tif un nettoyage social et ethnique. Pudiquement des armes. Immédiatement, le président nouvel-
nommé, le « conflit armé interne » compte 200 000 lement élu déclare l’Etat de siège. Une mesure ex-
morts et disparus forcés, 440 villages rayés de la trême en réponse à un conflit d’ordre social .
carte, 1 million de déplacés à l’intérieur du pays et Entretenu par les médias qui couvrent chaque
500 000 réfugiés. C’est l’épisode le plus meurtrier jour des morts violentes, le sentiment d’insécu-
que le continent américain ait connu au XXème rité facilite l’acceptation de la politique sécuri-
siècle. taire et de ses partisans. La campagne électorale
La signature des Accords de paix en 1996 n’a pas de mano dura (main dure) d’Otto Pérez Molina a
mis fin à la violence et l’insécurité. Contrairement permis son arrivée au pouvoir en janvier 2012.
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