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Hors-Série
être un souhait présidentiel, mais aucunement financière qui concourt à une exploitation sans
la traduction orale d'un dispositif légal dans le limites des ressources d'énergies fossiles et, de
cadre des négociations. l'autre, des politiques et négociations climatiques
qui esquivent toute discussion sur les règles du
Certains commentateurs ne cessent d'affirmer commerce mondial.
que « les États-Unis n’ont jamais ratifié des accords
qui prévoient des clauses avec sanctions » et qu'il Bout de cheminée
ne faut donc pas être surpris. D'autres affirment
que la contrainte juridique n'est pas l'essentiel et Les négociations sur le réchauffement climatique
qu'il faut se concentrer sur l'efficacité pratique des portent sur ce qu'il se passe en bout de cheminée
mécanismes. C'est oublier un peu vite qu'il existe – les émissions relâchées dans l'atmosphère –
au niveau international de puissantes contraintes mais ne regardent pas précisément ce qu'il y a en
légales – dont les États-unis sont d'ardents amont de la cheminée, à savoir cette formidable
promoteurs – et qui ont été fixées dans le cadre machine économique à réchauffer la planète, les
des accords de libéralisation du commerce et de règles qui l'organisent et les filières énergétiques
l'investissement. en cas de non respect des règles qui l'alimentent. C'est au fondement même du
ratifiées, les États peuvent être attaqués par décalage qui existe entre la réalité des politiques
d'autres États via l'Organe des Règlements des climatiques et la réalité de ce qu'il faudrait faire.
différends de l'OMC ou par des multinationales Ainsi, les mots « énergies fossiles » ou « énergies
via les tribunaux d'arbitrage prévus par les Traités renouvelables » ne font pas partir du texte de
bilatéraux ou régionaux. négociations.
Règles du commerce contraignantes, pas pour le Fonder la lutte mondiale contre le dérèglement
climat. climatique sur des engagements volontaires,
déterminés au niveau national et qui portent
On voit là le faible empressement des États exclusivement sur ce qu'il se passe en bout de
à constituer un droit de l'environnement qui cheminée, ainsi que sur un nouvel instrument
pourrait être opposable au niveau international juridique qui ne saura contraindre les États à faire
: des accords hyper contraignants sont signés plus, revient à promouvoir une vision libérale
en matière de commerce et d'investissement, de la gouvernance du climat, où chacun met ce
tandis que c'est l'absence de contraintes légales qu'il veut, ce qu'il peut, dans le pot commun.
qui est promue en termes d'environnement et de Qu'importe que cela ne soit pas suffisant. Avec un
climat. Résultat ? Comme nous l'expliquons dans tel dispositif, la vie (ou la survie) des populations
notre livre Sortons de l'âge des fossiles ! Manifeste est donc moins valorisée que les réalités
pour la transition (Seuil, coll Anthropocène), la nationales qui président à la détermination des
primauté du droit commercial sur le droit de contributions que les États mettent sur la table.
l'environnement, et sa capacité à obtenir que
les États modifient leurs politiques publiques, C'est à nous de sortir la COP21 – et les politiques
constituent aujourd'hui des entraves manifestes climatiques – de l'agenda étriqué dans lequel
à la lutte contre les dérèglements climatiques elles sont confinées.
et la mise en œuvre de politique de transition
énergétique.
une opposition qui se retrouve au cœur même
des négociations de l'ONu, puisque l'article Maxime COMBES, Auteur de
3.5 de la Convention-cadre sur le changement Sortons de l'âge des fossiles,
climatique de l'ONu, établie en 1992 affirme Manifeste pour la transition,
extrêmement clairement que « les mesures prises éd. Seuil, coll. Anthropocène
pour lutter contre les changements climatiques [...], [email protected]
constituent un moyen d'imposer des discriminations
arbitraires ou injustifiables sur le plan du commerce
international, ou des entraves déguisées à ce
commerce ». Le texte qui fonde les négociations
sacralise donc les contraintes juridiques qui
vont avec la libéralisation du commerce et de
l'investissement. Sans doute une clef décisive
pour comprendre le décalage croissant entre, d'un
côté, la réalité de la globalisation économique et
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