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Colombie : une région pacifique qui attend la paix

Luis Armando Ortiz est responsable du Proceso de las Comunidades Negras de Tumaco,
un réseau d’organisations afro-colombiennes qui se consacrent à la défense des droits
ethniques, culturels et territoriaux des afro-descendants. France Amérique Latine l’a
rencontré à l’occasion de la tournée européenne qu’il a effectuée en novembre 2017,
à l’invitation de plusieurs associations de solidarité. Luis a notamment évoqué avec
nous les violations des droits humains commises par l'État colombien et les luttes des
populations de la région du Pacifique face aux multinationales. Entretien.

La violence dans la région de Tumaco, Une situation de violence en lien avec déplacent les populations, affectent
département du Nariño, a été les méga-projets productifs l’écosystème très riche en biodiversité
médiatisée il y a peu à l’occasion de d’une région qui est le deuxième
l’assassinat de paysans producteurs À Tumaco, la violence a augmenté poumon du monde après l’Amazonie.
de coca sur le territoire collectif des parallèlement à la production et au Outre l’extraction de l’or et l’expansion
conseils des communautés noires. commerce de la coca, mais le problème des monocultures de palme et de
Le 6 octobre 2017, en effet, la police se développe en relation avec d’autres bananiers, les multinationales gèrent
anti-narcotique colombienne tuait six facteurs, et de manière simultanée, de grands projets portuaires sur nos
paysans et en blessait 21 autres, alors dans la région du Pacifique, sur tous territoires : à Buenaventura l’entreprise
qu’ils manifestaient pacifiquement les territoires des communautés Puerto de Colombia, appelée
contre l’arrachage des plants de coca, noires, indigènes et paysannes. La aujourd’hui Sociedad Portuaria, a
et contre l’absence de mise en place violation des droits humains y est liée été privatisée avec des capitaux
de cultures alternatives, mesure de à la multiplication de méga-projets colombiens et internationaux. Des
transition agricole prévue dans l’accord productifs, tels que les monocultures populations urbaines ont été déplacées
de paix signé entre le gouvernement de palme à huile, opérées par des pour permettre la construction d’un
colombien et les FARC. Mais des faits entreprises privées, qui bénéficient terminal de transport de containers,
de même nature sont récurrents dans parfois de l’aide de l’État. C’est ainsi qu’a financé par des capitaux nationaux
nos territoires depuis la fin des années débuté le processus d’expropriation et internationaux, espagnols en
1990. Le processus de reconnaissance de centaines de familles de Tumaco. particulier. Unión Fenosa et Agua
du droit des communautés noires On retrouve la même situation dans de Barcelona investissent sur nos
par la loi 70 de 1993 était à peine le Chocó, à Guapi et dans le golfe territoires en privatisant l’eau, et nous
né, que, déjà, apparaissaient, au sein d’Uraba avec les bananeraies. manquons d’eau potable pour faire
de la population afro-colombienne, D’autre part, dans le nord du Cauca face aux besoins les plus essentiels de
des violations de droits humains. et dans la zone du Pacifique, où se nos familles. Comme si cela ne suffisait
Ces nombreux abus n’ont pas été situent d’importants gisements d’or pas, le capital transnational procède à
répertoriés au niveau national, sauf et de platine, les multinationales et la construction de plusieurs barrages
quelques cas récents à Tumaco, des entrepreneurs privés, disposant hydroélectriques qui polluent
Buenaventura, dans le Chocó et le souvent de ressources bancaires issues le fleuve où les communautés
Nord du Cauca. de l’économie illicite, malmènent s’approvisionnent non seulement
les communautés, assassinent et en eau, mais aussi en poisson, et
cela diminue les
apports de protéines
animales. Lorsque les
écluses sont ouvertes,
toutes nos champs
sont inondés.

Violations des droits
humains

Ces violations
flagrantes des
droits humains
ont provoqué des
déplacements forcés.
Le conflit armé autour
des cultures de coca
est lié à d’autres

Dans les rues de Bogotá. Photo : DR.